• Tu ne le sais pas,

    Tu ne le sais pas encore

    Car tu es trop petite,

     

    Tes yeux s’ouvrent tout grand

    Sur les publicités brillantes

    Qui te vrillent le tympan,

     

    Tes yeux s’ouvrent tout grand

    En cochant dans les catalogues rutilants

    Les jouets rêvés, la poupée page trois,

    Et la page sept, et la douze, et, et…

     

    Tes yeux s’ouvrent tout grand

    Devant les vitrines décorées

    Où dansent en une joyeuse gigue

    Les peluches animées d’un savant mécanisme.

     

    Non, je ne vais pas t’offrir la tablette tactile,

    Ni le dernier CD convoité,

    Ni les horribles poupées au teint blême

    Qui ressemblent aux sorcières de Salem.

     

    Tu ouvriras quelques paquets enrubannés

    Choisis avec amour et discernement,

    Et je sais bien que tu trépigneras de joie et de surprise

    Devant des cadeaux inattendus mais aussitôt adoptés.

     

    Mais, tu ne le sais pas,

    Tu ne le sais pas car tu es trop petite,

    Les plus beaux cadeaux que tu recevras

    Comme à chacun de tes Noëls,

    Ce sont les souvenirs

    D’une famille heureuse d’être ensemble

    Pour une trêve de vie au milieu de l’hiver,

     

    Les fous-rires avec tes cousins

    Réunis à la table des enfants,

    Vos courses folles le lendemain dans le jardin mouillé,

    Les bâtons, les ficelles

    Qui prolongent les bras,

    Les cartons et les boîtes

    Qui se transforment en trains,

    En maisons, en cachettes, en châteaux,

    Et vos goûters en haut du cerisier

    D’où vous dominez le quartier, et donc,

    Le monde étalé sous vos pieds !

     

    Mes plus beaux cadeaux,

    Ce sont ces souvenirs heureux que je tricote pour toi,

    Comme une écharpe qui te tiendra au chaud

    Quand les jours froids seront là.

     

    Tu es trop petite, et tu ne le sais pas,

    Mes plus beaux cadeaux,

    Ce sont ces moments forts qui resteront en toi.

     

    Comme une chanson douce

    Qui s’échappe d’une flûte sortie de son fourreau,

    Quand tu seras une jeune fille aux yeux attristés de langueur,

    Une maman débordée et fatiguée d’une double journée,

    Une vieille dame chagrinée par la solitude,

    Tu sortiras ces jours heureux de ta mémoire,

    Et tu souriras tendrement

    Au souvenir de ces Noëls d’antan.

     

     

     

      


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  • Emergeant de magasins tumultueux

    Où ma pensée se rabougrissait,

    Abrutie de bruits assourdissants et de vitrines agressives,

    J’ai réclamé le silence absolu des campagnes isolées,

    J’ai réclamé comme un verre d’eau limpide

    La paix des taillis et des prés endormis.

     

    Je suis partie de ma ville affolée

    Vers des sentes boueuses.

    J’ai cherché l’oubli des préparatifs de fêtes

    En marchant d’un pas lourd dans un monde figé.

     

    Mon corps a retrouvé un regain d’énergie,

    Mon esprit a trouvé une unité nouvelle,

    Par de petits bonjours, des sourires échangés,

    N’ayant plus à se perdre par de vains bavardages.

     

    La nuit m’a dénichée sur une étroite route

    Où mon pas s’est offert le jour qui se levait.

     

    Au milieu des heures froides

    Et des doutes étranges mais toujours probables,

    J’ai mesuré la longueur de mon pas,

    La longueur du chemin

    Qui s’étendait jusqu’à Noël.

     

    Je suis rentrée chez moi,

    J’ai allumé la deuxième bougie de l’avent

    Dont la flamme oscillait au souffle de l’âtre,

    Et je me suis endormie

    Dans la paix de mon humanité retrouvée. 

     

     

     

     

      


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  • Tu étais si petit,

    Tu n’aimais pas marcher.

    On mettait tes souliers,

    En te laissant chigner.

    On te prenait la main,

    Tu courais en trottant

     Sur tes jambes potelées.

    Pour aller où ?

    Là où tu ne voulais pas aller.

     

    Et puis, tu as grandi

    Et ton pas s’est fendu

    De grandes enjambées.

    Grosses bottes en hiver,

    Vernis noirs pour le soir,

    Tu chaussais tes souliers

    D’une main assurée,

    Choisissant ton chemin

    Et parcourant ta vie.

    Pour aller où ?

    Là où tu voulais aller.

     

    Les journées ont passé,

    Les mois et les années.

    D’un doigt maigre et tremblant,

    Tu montres tes chaussons.

    On enfile des chaussures

    A tes pieds déformés,

    Des chaussures à la lourde semelle crêpée.

    On te prend par le bras,

    Et tu traînes ton pas

    Là où l’on te conduit : où ? Où ?

    Là où tu ne veux pas. 


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  • Roule, roule la patache,

    Fouette, fouette, cocher au bras léger.

    Dring, dring  chantent les clochettes glacées

    Pour avertir au loin les valets endormis,

    Loin, loin , au bout d’une allée de platanes,

    Dans le château noyé de brume,

    Aux terrasses bien vite éclairées.

     

    Le bruit du roulage réveillera aussi

    L’aboiement furieux des chiens

    Dans les chenils grillagés.

    Ah ! les jolies demoiselles

    Aux doigts gantés de soie,

    Posant avec une esquisse délicatesse

    Sur le marchepied déplié

    Un escarpin brodé de roses !

     

    Roule et grince le cabriolet

    Et l’évêque endormi sur ses patenôtres,

    Là voici bienvenue, l’éternelle aventure

    Des gens qui vont se rencontrer,

    Des messieurs au gibus moiré,

    Des rombières attifées d’engrelures,

    De dentelles au fuseau,d’aigrettes courroucées.

     

    Vous tous, écoutez le bruissement des soies,

    Sentez les odeurs de chapon dressé :

    Le maître reçoit avec cérémonie

    Le fiancé joufflu et débonnaire

     Recommandé par Tante Simone.

    On ne le connaît pas, mais on en dit beaucoup :

    Il a de grandes terres et bien de l’entregent.

     

    L’oeil effronté de la promise un peu fanée

    Le jauge car c’est du blé sur pied ;

    Elle  minaude comme une rosière

    Sortie récemment  du couvent.

    Essuyant ses yeux secs,

    Ployant son cou grassouillet,

    Elle dira oui à tout, et puis merci maman.

     

     

     

      


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