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    Quand les lueurs de l’aube réveillent

    Camions et voitures, rideaux de fer et pétarades,

    Les villes s’ébrouent le matin dans le bruit.

     

    Ainsi, Paris enfle son ronflement de la nuit

    Par des vrombissements de moteurs

    Et des klaxons hurleurs.

     

    Mais quiconque est venu dans la Sérénissime

    Pour dormir au fond d’une venelle rose,

    S’est éveillé le matin

    Tout étonné d’un grand silence.

     

    Rampant sur les toitures ocrées,

    La lumière flotte en brume cotonneuse,

    Ouvrant les lourds vantaux de bois

     Sur les Vénitiens partant travailler,

    Les enfants vers les écoles,

    Les ménagères chargées de denrées.

     

    Venise n’est pas encore un musée :

    C’est une ville qui s’ouvre comme un précieux triptyque,

    Tantôt ouvert, tantôt caché.

     

    Il faut avoir marché toute une longue journée

    Pour s’imprégner de sa beauté :

    Il faut se perdre dans les ocres et les roux

    Des places et des ruelles,

    Enjamber de trois pas un pont courbé

    Comme des cils sur un œil doré.

     

    Il faut escalader des escaliers de marbre blanc

    Que gardent en souriant des lions de bronze,

    Se perdre dans des impasses que l’on croyait désertes

    Ou des placettes tranquilles,

    Se laisser surprendre par des appels de femmes

    Qui se saluent d’une voix chantante,

    D’enfants qui crient de colère ou jouent à chat perché,

    De vaisselle qui tinte par une fenêtre entrebâillée.

     

    Et puis, traîner un peu, jouer les touristes :

    Acheter près du Pont Rialto

    Un masque de carnaval,

    Un lion en peluche,

    Un chapeau à grelots,

    Une gondole en plastique doré.

    Enfin, avant la tombée du jour,

     S’asseoir, bien fatigué,

    Sous un auvent grinçant devant un odorant café.

     

    Pleurer  dans le quartier juif des larmes de suie,

    En mettant une main tremblante,

    Au fond des trous percés dans le marbre précieux

    Où se fixait la grille qui barricadait la nuit

    Le ghetto prisonnier…

     

    Prier dans la Scuala du San Rocco,

    Prier devant les cinquante six peintures de Tintoret !

    Tomber à genoux dans l’Albergo,

    Souffrir devant le Chemin de Croix du géant Tiepolo.

     

    Rêver des fastes passés,

    S’imaginer vêtu des plus beaux atours,

    Paradant dans les palais de pierre

    Lustrés par le soleil, la pluie, le vent .

    Caresser du regard les ors, les émaux, les pierreries

    De la Basilique Saint-Marc aux coupoles à bulbes,

    En foulant avec timidité  et circonspection

    Le sol  aux motifs de marbre, de verre et  de porphyre.

     

    Admirer comme on admire une forêt en automne

    Le Palais des Doges, majestueux mais aérien,

    Dont les arcades ajourées , dentelées, tricotées,

    Et son manteau de pierre aux tons délicats,

    Font oublier la fragilité des piliers de bois

    Qui soutiennent simples bâtisses  et somptueux édifices.

     

    Comme une reine délicate et frivole,

    La Sérénissime,

    La ville des fêtes et des plaisirs,

    A revêtu de siècle en siècle,

    Colliers et bijoux, soieries et dentelles,

    Mais il faut à son chevet de malade,

    Médecins et magiciens

    Pour la sauver de la noyade.

     

    Janvier 2014-La poésie de Geneviève.

     

     

     

     

     


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