• Emigrés sur les bateaux ivres.

     

     

    Leurs yeux vidés d'espoir

    Verront se dresser au loin les roches acérées .

    Ils sauront que jamais, ils n'atteindront le port.

     

    Ils dormiront sur le sable doré,

    Mais leur corps sur la grève échoué

    Sentira les relents de poisson pourri,

    Mais leur vie s'arrachera sur le silex effrité.

     

    La vague de la mer devait les faire vivre :

    Elle les transperce.

    L'onde violente apporte sur les sables gris

    Tant d'embarcations échouées,

    Tant de navires, de vaisseaux,

    Tant de barques fragiles, tant de grands bâtiments,

    Par la mer portés, lavés,

    Lacérés, dégonflés,

    La mer qui nourrit

    S'infiltre dans les narines, flotte dans les poumons,

    Flèches d'eau comme les flèches d'une armée invincible

    Qui tue dans un bruit de sanglot...

     

    Immensité salée,

    Immensité de la mer maternelle,

    La mer qui donne à profusion

    Les poissons, les coquillages, et le sel.

     

    Le pas des errants se portent vers l'eau,

    Le pas des désespérés viennent vers le sillon,

    Vers le levain qui donne au loin le pain,

    Vers ces terres où l'on devient riche,

    Vers ces terres où coule le vin,

    Où dansent les champs de blé.

     

    Vivants ou noyés, ils ont ce rêve,

    Vivants ou enterrés,

    Loin de leurs guerres fratricides,

    Loin des ruines, loin des déserts de pierres et de sable,

    Ils ont cru en l'avenir.

     

     

    Ils ont une main large et forte pour travailler,

    Ou des membres d'enfant gracile ;

    Ils ont au cœur des flammes rouges de colère,

    Ou la passivité des abandonnés.

     

    Il leur faudrait des ailes plus que des avirons,

    Il leur faudrait la folie plus que la foi :

    Ils sont entrés dans la mer sans un pleur,

    Ils ont gardé les larmes pour ceux qui sont restés.

     

    Pas de tombeau, pas de chant pour dernier adieu :

    Des cris de bêtes .

    Ils ne marcheront pas, ils ne nageront pas,

    Nulle musique et nulle fleur,

    Pas même un nom .

     

    Juste l'oubli.

     

    La poésie de Geneviève

    la 30 avril 2016

     

     

     

     


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  • Demain, premier jour de mai

     

    Et voici de nouveau le soir :

    Chacun va dans sa chambre,

    Lové sur sa pensée.

    Chacun va dans son rêve,

    Et moi, comme chaque soir,

    Je m'assieds derrière mon bureau,

    Dans l'attente du poème

    Qui coulera dans ce jour endormi.

     

    Ma fenêtre est ouverte :

    Le rossignol chantera-t-il ce soir ?

     

    Le jour s'est écoulé doucement,

    D'une manière souple et belle

    Comme il se doit en mai.

    Voici le soir, dans une coupelle d'or.

     

    Après le vent violent d'hier

    Où le ciel réclamait sa colère,

    Blanches et alourdies de pollen

    Les pétales du poirier ont jonché le sol,

    En s'éparpillant sur les herbes jaunes.

    Brutalement, les arbres ont défleuri,

    Brutalement sont apparus des bouquets verts

    Sous le soleil et sous la pluie.

     

    C'est ainsi que ce matin,

    Les arbres ont enjambé leur ombre,

    Ainsi, le peupliers se sont approché de ma fenêtre,

    Pour saisir le chant du piano .

     

    L'attente est longue le soir,

    Je n'entends pas le rossignol.

    Chantera-t-il cette nuit ?

    J'écoute le bruissement des arbres,

    Comme d'autres écoutent,

    Dans leurs oreilles bouchées,

    La musique des robots,

    Car ce chant des feuilles m'a manqué tout l'hiver,

     

    Comme manquerait la présence d'un ami fidèle.


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