•  

    Séance de nu

     

     

     

    Son visage est lisse, ses grands yeux étirés,

     

    Le front serein, la bouche rosée .

     

     

     

    Les lèvres soigneusement sont ourlées.

     

    Elle a peint ses ongles roses,

     

    Et teint ses cheveux en un roux flamboyant.

     

     

     

    C'est un modèle, elle pose pour les peintres,

     

    Immobile, hiératique, appliquée dans la statuaire de marbre.

     

    Ne fléchissent même pas ses longs cils recourbés,

     

    Malgré la longueur des poses et la chaleur de l'atelier.

     

     

     

    Elle a mis tant d'énergie pour être fraîche et jolie,

     

    Tant d'énergie pour mettre dans son sac, une fois encore,

     

    Une fois encore, une fois encore,

     

    Le chèque qui la fera vivre,

     

    Vivre et et payer son loyer.

     

     

     

    Mes yeux se plissent, mon bras se tend

     

    Pour délimiter longueur, largeur

     

    Et proportions du corps que je dois dessiner.

     

     

     

    Le dos tout d'abord,

     

    Et la colonne vertébrale noueuse, arquée

     

    Comme une corde épaisse

     

    Sans parvenir à soutenir les épaules affaissées :

     

    Non, je ne dessinerai pas les arêtes de son dos

     

    Où les chairs se sont effondrées.

     

     

     

    La peau mal irriguée des jambes aux proportions parfaites

     

    Se brouillent de minces filets de veinules grisées.

     

    Les pieds sont alourdis de lacets bleutés.

     

     

     

    De son ventre plat, elle doit être fière,

     

    Mais la peau se plisse

     

    Comme la peau d'une pomme sèche,

     

    Sur le nombril horizontal.

     

     

     

     

     

    Sous le menton qu'un habile chirurgien a creusé,

     

    Le cou se gonfle.

     

    Les muscles de ses bras minces glissent et tombent

     

    En épais drapeaux,

     

     

     

    Et les seins chiffonnés se rétractent comme des figues d'automne.

     

     

     

    Un peu fripée,

     

    Un peu cabossée,

     

    Elle pose, courageuse, obstinée, sans bouger.

     

    C'est un modèle vivant.

     

     

     

    La vie est inscrite sur sa peau,sur son squelette, sur ses muscles.

     

    Elle pose pour les peintres, indifférente à nos regards appliqués

     

    Qui vont traduire sur le papier son corps nu :

     

     

     

    Elle pose pour nous,

     

    Elle pose bien,

     

    Elle est belle.

     

     

     

     

     

    La poésie de Geneviève

     

    Novembre 2016

     

     

     

     

     


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires