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Par Genecomte le 12 Décembre 2012 à 20:10
Roule, roule la patache,
Fouette, fouette, cocher au bras léger.
Dring, dring chantent les clochettes glacées
Pour avertir au loin les valets endormis,
Loin, loin , au bout d’une allée de platanes,
Dans le château noyé de brume,
Aux terrasses bien vite éclairées.
Le bruit du roulage réveillera aussi
L’aboiement furieux des chiens
Dans les chenils grillagés.
Ah ! les jolies demoiselles
Aux doigts gantés de soie,
Posant avec une esquisse délicatesse
Sur le marchepied déplié
Un escarpin brodé de roses !
Roule et grince le cabriolet
Et l’évêque endormi sur ses patenôtres,
Là voici bienvenue, l’éternelle aventure
Des gens qui vont se rencontrer,
Des messieurs au gibus moiré,
Des rombières attifées d’engrelures,
De dentelles au fuseau,d’aigrettes courroucées.
Vous tous, écoutez le bruissement des soies,
Sentez les odeurs de chapon dressé :
Le maître reçoit avec cérémonie
Le fiancé joufflu et débonnaire
Recommandé par Tante Simone.
On ne le connaît pas, mais on en dit beaucoup :
Il a de grandes terres et bien de l’entregent.
L’oeil effronté de la promise un peu fanée
Le jauge car c’est du blé sur pied ;
Elle minaude comme une rosière
Sortie récemment du couvent.
Essuyant ses yeux secs,
Ployant son cou grassouillet,
Elle dira oui à tout, et puis merci maman.
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Par Genecomte le 27 Novembre 2012 à 19:39
Il y eut un soir, il y eut un matin,
Mais tout d’abord le soir,
Avec le froid, le vent, la peur.
Ainsi la journée du Dieu créateur
S’oriente vers la plénitude de la journée
Qui monte et s’annonce,
Effaçant peu à peu notre nuit
Où l’homme faible est menacé.
Et le jour qui viendra s’orientera
Vers le flamboiement divin.
Ainsi, il y eut un soir, et tout d’abord le soir,
Et de nouveau le matin s’ouvrant sur la pâleur de l’aube
Et la joie du soleil levant,
Des heures de lumière et de chaleur,
Et puis, encore, encore, le déclin du jour,
L’ombre et la terreur qui s’étendaient sur la nuit.
Pour protéger la vie,
L’homme a bien dû bâtir :
Paille, terre, roc ou brique,
Car la nuit sombre était remplie de frissons.
Pour acclamer Ton nom,
Pour faire entendre le carillon de ton appel
Résonnant sur les campagnes,
Des murs plus hauts,
Des murs plus solides furent élevés.
Pour que Ton nom soit proclamé,
Pour qu’en un même lieu
Soient réunis tes petits ou grands troupeaux
Réunis autour de la Table sainte,
On a bâti avec courage, avec science, avec foi
Des églises accroupies, sombres comme des grottes.
Et puis, comme on cherche le visage de Dieu dans les nuées
On a bâti des cathédrales touchant le ciel,
Elançant des flèches perdues dans les nuages,
Ouvrant de hautes fenêtres
Pour qu’entrât la lumière du jour,
Qui chassait l’obscurité tragique.
Pierre par pierre, on a monté des nefs vertigineuses
Où les ferrures se font lianes
Pour porter légèrement les vitraux colorés.
Les murs se sont ouverts sur des rosaces
Lançant des rais lumineux
Qui font danser sur les transepts
Et sur les chrétiens agenouillés dans la nef
Des arabesques d’or et de rubis,
Des voiles de brocart et de soie.
Les pampres de lumière courent à l’assaut des colonnes.
Fleurs et feuillages,
Entrelacs et fleurons,
Guillochis et frises de pierre se croisent
Et s’entremêlent en ondoyant,
Quand la lumière, filtrée par les verres ardents,
Se diffracte en poussières colorées,
Qui dansent joyeusement,
Comme des insectes battant des ailes au soleil.
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Par Genecomte le 19 Novembre 2012 à 19:10
Je suis né dans le feu,
Le feu ardent qui mêle en grondant
Sable et cendre de bois,
Sable et cendre de fougère,
Sable et cendre de hêtre ;
Je suis né de la salicorne brune
Qui pousse au bord mouvant des océans.
Je suis né dans le feu qui met en fusion
La potasse, la soude, la silice,
Et les dangereux oxydes métalliques
Qui me donnent couleur :
Le cobalt pour le bleu des vierges,
Le cuivre pour le vert et le rouge des évêques
Dont le doigt ganté montre les cieux entr’ouverts.
Le jaune glorieux de l’antimoine
Auréole les saints aux yeux démesurés,
Ou désigne les traîtres dont le regard s’enfuit.
Je suis né du sable léger
Qui glisse entre les doigts,
Je suis né de la cendre poussiéreuse
Qui vole au moindre vent :
Tant de fragilité pour tant de splendeur,
Pour l’orgueil des puissants
Ou la gloire de Dieu.
De grandes lueurs accompagnent les saints
Dont la vérité se perd avec les légendes :
Ils sourient sous le fer du bourreau,
Marchent pieds nus sur des charbons ardents,
Chantant des hymnes pieux.
Ils soulèvent des tempêtes,
Ils apprivoisent les loups,
Leur corps en extase se lève à deux coudées du sol.
Torturés, les membres rompus,
Ils rendent grâce
Du bonheur d’être parmi les élus.
Il y a des bergères et des princes,
Des soldats romains et des moines exsangues.
Leur nombre est infini
Et couvre le firmament ;
Un perpétuel miracle les protège :
Ils triomphent de la mort et de Satan
Dans la lumière divine des vitraux
Dont la clarté relie la terre au ciel.
Je suis création fragile mais éternelle,
Née de cendre et de sable ;
Il faut veiller sur la moindre de mes fissures,
Surveiller l’ossature de mes plombs,
Me couver comme un malade alité
Et parfois, m’ôter du lieu sacré
Pour des soins intensifs en ateliers.
Les pluies acides de ce siècle
Ont attaqué mon verre qui se corrode
Et, par une ironie bien triste,
Si l’indifférence des hommes me laisse à l’abandon,
Je redeviens ce que j’étais :
Du sable qui s’effrite entre les doigts.
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Par Genecomte le 29 Octobre 2012 à 10:43
Au temps où…
Dans le parc fleuri
De myosotis et de soucis,
Nous étions d’infatigables gamins
Se poursuivant avec des cris de joie…
Au temps où…
Nous marchions fièrement
Dans les rues de Berlin,
Portant précautionneusement
Les lampions dansant de la Saint-Martin…
Au temps où…
Mâchant les cerises juteuses
Chipées aux pies voleuses
Qui nous piquaient les mains,
Nous nous prenions pour les rois du jardin…
Au temps où…
Les escaliers pentus
Et les étages sombres
Résonnaient de nos folles poursuites…
Au temps où…
Déguisés de draps blancs,
Nous rugissions de peur,
De nos voix enfantines
Que l’on croyait funèbres
Mais restaient cristallines…
C’était le temps où…
Nous étions fragiles et tout petits,
Mais plus forts et plus savants
Que tous les dieux puissants
Qui dominent les cieux…
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Par Genecomte le 23 Octobre 2012 à 18:26
Dans la ville endormie
Pas un passant,
Et nulle vie :
Un grand silence
Qui se balance
Sur le fronton
De la mairie.
Dans les rues sans couleur
Pas un passant,
Pas un moteur :
Une ombre douce
Qui s’alanguit
Sur les mousses
Des toits gris.
Dans la nuit noire,
Pas un passant
N’ouvre sa porte :
Comme chaque soir
Nous irons boire la solitude,
Avec la cendre
De nos mémoires.
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