•                                                       

     

    Lire le matin est un plaisir bien coupable :

    L'aspirateur est silencieux,

    Le placard reste vide,

    Le courriel égrène sa litanie.

     

    Il faut voler du temps sans attendre le moment propice ,

    Lire au feu rouge quelques vers de Verlaine,

    Les répéter comme on suce une friandise jusqu'à l'arrêt suivant,

     

    Lire les dernières lignes du dernier chapitre,

    En touillant d'une main le potage sur le feu,

     

    Lutter contre le marchand de sable bienveillant,

    Pour tourner page après page l'essai passionnant,

     

    Brandir dans le métro un vieux poche écorné,

    Roi minable, roi détrôné parmi les écrans cliquetant.

     

    Un bon livre est un train traversant le paysage,

    Et quand il entre en gare, son voyage terminé,

    On est nostalgique comme un lendemain de fête

    Car le plaisir était dans le voyage.

     

    Le livre lu repose sur l'étagère :

    Nulle envie d'ouvrir un nouvel ouvrage,

    Alors, on s'ennuie un peu, dans le vide,

                                     En attendant l'autre livre qui mangera le temps.

     

    La poésie de Geneviève,

    le 3 janvier 2015


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  •  

     

    Il y a dans le jardin

    Un p’tit landau charmant,

    Des brassières vont séchant

    Su’fil à linge branlant.

     

    Eliaz n’est pas au loin,

    Il est mort à Verdun.

    ------

     

    Dans le jardin mouillé

    Un p’tit vélo rouillé.

    Dans le jardin chantant,

    Un p’tit camion d’fer blanc.

     

    Yves est parti un biau matin,

    Mais pour mourir à Verdun.

    ----------

     

    Il y a dans le jardin

    Un arrosoir d’enfant.

    Il y a dans le lavoir

    Un petit canard blanc.

     

    Merlin n’s’ra pas marin,

    L’est ben mort à Verdun.

    ------------

     

    Il y a dans le boudoir

    Un bureau d’écolier,

    Une plume a séché

    Dans l’encrier cassé.

     

    Brizh plus jamais n’écrira,

    Brizh est mort au combat.

    -------------

     

    Il y a dans le jardin

    Un grand fauteuil d’osier,

    Un canotier percé

    Tombé dans les rosiers.

     

    Brieuc n’est pas marié,

    S’est juste fiancé.

    ----------

     

    Il y a au cimetière

    Cent mille cris de colère.

    Des fronts pour les démons,

    Du sang pour la nation.

     

    Des noms et des prénoms

    Pour une génération.

    -----------------

     

    Sur la place du village

    Un monument gravé :

    Cent noms qu’on a jetés

    A la postérité.

     

    N’ont eu que leur enfance,

    Sont tous morts pour la France.

     

     


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  • Ce soir, qu' y-a-t-il-donc à la télé?

     

    Une attaque de banque,

    De l'hémoglobine, un braquage,

    Un tueur à gage,

    Un témoin et son exécution.

     

    Le pain moisit dans les tranchées,

    Un tir d'obus effondre la tranchée.

     

    Un déluge de feu et d'acier

    Fauche un million d' hommes.

     

    Mais aujourd'hui à la télé :

    De fins limiers, des policiers, pas de quartiers !

     

    Batailles de l'Aisne, de la Vesle, de l'Argonne,

    Calais, Boulogne, Dunkerque,

    Et le conflit s'étend, s'embourbe.

    Les soldats tombent, criant maman en toutes langues

    Et meurent dans les assauts inutiles.

     

    Quel film iras-tu voir ce lundi ?

     

    Un Scénario de feu et de sang,

    Une Machine à tuer,

    Un Mystérieux commando,

    Attaque au vitriol dans un super-marché.

     

    Sur le Chemin des Dames,

    Cinq mille canons vont tonner.

     

    Les tirailleurs sénégalais ne verront plus le pays,

    Les femmes ont fauché les derniers blés,

    Les cathédrales vont s'effondrer.

     

    Quel nouveau jeu as-tu chargé ?

    Terreur à l'hôpital,

    La Vengeance invisible,

    Piège fatal, le Suspect matraqué.

     

    Verdun, Douaumont, pris et repris pour rien,

    Des blessés, des morts,

    Des hommes devenus fous,

    Des poètes , des chercheurs, des artistes

    Des gens de bien,

    Assassinés, perdus pour l'humanité.

     

    Quel cadeau pour Noël cette année ?

    Ewen aura son bateau de pirate,

    Un costume de flibustier.

    Pour son cousin gringalet,

    Puisqu'il est si gentil,

    Le Père Noël trouvera un fusil,

    Une mitraillette, un pistolet,

    Une arme qui fasse vrai : pan pan pan !.

     

    La terre est polluée par les armes chimiques,

    Dans les cratères bleuissent encore les aciers.

     

    Et quel bouquin dans la vitrine ?

    Le Monstre sanguinaire,

    Traque en montagne, Violence sur les proies.

     

    Et quelle affiche sur le bus ?

    Encore un monstre aux yeux injectés,

    Un soldat défiguré.

     

    Centenaire de la Grande Guerre :

    On a ouvert des musées,

    Des stèles se sont élevées vers le ciel

    Pour que nos vétérans ne soient pas oubliés.

     

    On a pleuré l'horreur d'une guerre cruelle,

    Dans les journaux, dans les écoles, à la télé, au ciné ;

    On a déposé des fleurs rouges, bleues et blanches

    Au pied des monuments de nos villages,

    Mais on adore toujours autant la souffrance et la mort.

     

    Alors, je crie ma colère.


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  •  

     

    Il faut le dire au futur

    Et le penser au présent

    Devant le miroir grossissant

    Qui ne pardonne rien.

     

    Mais ce sera sans larmes amères,

    Plutôt un sourire en coin,

    Car personne ne le dira

    Mais vieillir, c'est aussi aussi très bien !

     

    Faire risette à un bébé dans sa poussette

    Sans que sa mère ne se mette à trembler ,

    Le sentant en grand danger d'être enlevé.

     

    Sourire au jeune homme qui vient de libérer sa place,

    Au voisin de palier,

    A l'inconnu sur le marché,

    Sans soulever aucune ambiguïté.

     

    Chanter à tue-tête un cantique,

    Une mélopée, un tube yé-yé,

     

    Esquisser des pas de country

    Après un apéritif entre amis,

    Et susciter un regard amusé mais poli.

     

    Pleurer sans honte dans la salle de ciné

    Emue par un mélo démodé,

     

    Marcher d'un pas décidé

    Sans souffrir sur des talons effilés.

     

    Partir sur un coup de cœur

    Pour Rome ou Barfleur,

    Et se nourrir tout le mois

    D'immondes pâtés de foie.

     

     

     

     

     

     

    Aller en avant-première

    Aux soldes privées

    En évitant l'heure du déjeuner.

     

     

    Parler à mes fleurs,

    A mon chat,

     

    Interroger mon armoire ouverte

    En hésitant sur le choix.

     

     

    Jouer du piano à minuit,

    Lire un bouquin la nuit,

     

    Déjeuner à quinze heures,

    Jeûner une Sainte journée.

     

    Zapper vingt fois la soirée,

    En insultant tout haut ma télé,

     

    Choisir le silence ou le bruit,

    Rêver dans l'ombre des songes

    A de nouveaux projets.

     

    Ecouter le son de mon cœur

    Qui bat toujours, toujours

    Tel un fidèle ami,

     

    Ce cœur qui sonne

    Comme un joyeux carillon

    Accroché au portail d'un jardin fleuri.

     

     

     


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  • Beaucoup plus, hier,

    J'ai eu beaucoup plus qu'un soleil sur une plage .

    Alors que râlaient les promeneurs frustrés

    Enveloppés de pulls et d'impers froissés par le vent,

    De l'horizon brumeux me vint un opéra :

    D'est en ouest s'élançait sur le bleu prometteur

    L'arc-en-ciel délavé et menteur,

    Le ciel se partageant la pluie et les grêlons.

     

    Beaucoup plus, hier,

    J'ai eu beaucoup plus qu'un soleil dorant ma peau.

    Au loin, sur une bande sablonneuse

    Où la mer venait lécher les flaques,

    Une lumière grise flottait,

    Là-bas, entre ciel et mer,

    Aérienne, brillante, et d'un voilage fin,

    Tissée de mille gouttelettes en suspension légère,

    Et le ciel hésitait, entre rire et pleurer.

     

     

    Le 19 août 2014

    La poésie de Geneviève


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