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    DIMANCHE 01 JUILLET 2012, A 20:59
    LE PHARE DE CORDOUAN
     

     

     

    Il n'y a plus de gardien  au phare de Cordouan

    Pour veiller sur les vagues et le vent,

    Là où l'eau douce et l'eau salée

    Viennent lécher la pierre monumentale,

    En une danse fougueuse

    Et des étreintes dangereuses.

     

    Nul gardien aux yeux plissés

    Sur les brumeux horizons

    N'allumera les feux de poix,

    N'allumera les feux de bois,

    N'allumera les feux de goudron.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan

    Pour veiller sur les flots mugissants,

    Là où l'eau douce et l'eau salée

    Viennent hurler leur colère et leur joie.

     

    Adieu au Prince Noir,

    Adieu à Michel de Montaigne,

    Adieu à Louis de Foix.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan

    Pour veiller sur les écumes blanches.

    Nul gardien n'allumera jamais

    Les feux de lourds charbons,

    Les feux d'huile végétale,

    Les feux d'huile d'olive ou de colza.

     

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan :

    Nulle prière ne s'élèvera plus

    Dans l'église muette,

    Nul cantique ne résonnera plus

    Sur les pilastres sculptés

    Et les douces volutes.

    Nul psaume jamais plus ne glissera

    Sur les rinceaux à feuilles d'acanthe.

    L'église écoute les vagues rugissantes

    Et les voix ténébreuses des hydres monstrueuses

    A l'assaut des lanternes.

     

    Il n'y a plus personne à Cordouan,

    Dernier phare habité par de fiers gardiens.

    Ils n'allumeront plus le fanal sauveur

    Brûlant la graisse du blanc de baleines

    Que d'héroïques pêcheurs

    Chassaient de leur barque légère.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan :

    Sur l'estuaire dangereux

    En une valse lente,

    En étreinte mortelle,

    Flirtent les flots tendres et cruels.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan

    Pour veiller sur la pierre immergée

    Dans les gouffres effrayants.

    Nul n'écoutera plus d'une oreille attentive

    Le bruissement des vagues en un murmure las,

    Et nul ne guettera l'aube nouvelle

    Et la relève attendue.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan :

    Comme les algues malodorantes,

    Les vagues mugissantes, tout l'été déposeront

    Dans la forteresse royale,

    Des paquets de touristes vandales

    Gravant leur nom sur les pierres sculptées.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan

    Pour lire le ciel et les horizons bleus :

    Gardien, tu lis l'ondoyante litanie

    D'une inconnue sans ancre et sans esquif

    Qui te dit grand merci pour les marins sauvés .

     

     


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    VENDREDI 22 JUIN 2012, A 19:15
    ARITHMÉTIQUE
     

     

    Si un cm carré, c'est un carré

    D'un centimètre de côté,

    Pourquoi ne pas mesurer un objet bien rond

    Par des centimètres ronds ?

     

    La page 9 du livre de mathématiques

    S'appelle récréation :

    On n'y voit que des additions,

    Des divisions, des soustractions :

    Ce sont de barbantes révisons 

    Où je ne trouve que d'insolubles solutions !

     

    Encore bien pire dans le mensonge :

    Pour réviser de mieux en mieux,

    On appelle jeux la page onze 

    Mais je m'arrache tous les cheveux !

     

    Le maître annonce une nouvelle splendide :

    Aujourd'hui, on va simplifier les fractions !

    Je les vois toutes irréductibles

    Et je préfère le morpion !

     

    Si j'applique la formule :

    S= L x l, et S= b x h

    Pourquoi la longueur du rectangle

    Devient-elle une base,

    Et pourquoi la largeur du rectangle

    Devient-elle  une hauteur ?

     

    La page 142 m'enseigne les partages inégaux :

    Cette leçon inique

    Contredit l'éducation civique !

    J'apprends l'usage du rapporteur

    Mais j'en connais plus d'un dans la classe,

    Pour mon malheur !

     

    Il faut aussi calculer la durée d'un parcours,

    Avec les arrêts et les poursuites.

    Le radar veille et la police patrouille :

    130, 50 ou 30 à l'heure,

    Les kilomètres ne sont pas tous de même longueur.

     

    Les nombres complexes

    Parfois sont tout petits,

    Les nombres entiers

    Parfois sont très grands ;

    Les virgules aiment l'alignement,

    Les chiffres se mettent en rangs,

    Mais, comment faire,

    Quand le zéro est devant ?

     

    Qu'en déduisez-vous,

    Me demande le livre spécieux ?

    Je déduis ce que j'ôte

    Et le vendeur fait un rabais.

     

    Mais si, le calcul est fort utile

    Pour s'offrir le monde,

    Ou des babioles futiles !

    Si tu as pu les épargner,

    Compte les sous de ton porte-monnaie

    Pour acheter les trois bonbons convoités :

    Le capital n'a plus d'intérêt

    Quand la tire-lire est cassée !

     

     

     

     

    SAMEDI 09 JUIN 2012, A 13:16
    LE POTAGER DE MONSIEUR CAILLEBOTTE
     

     

     

    Au printemps, à peine la terre est-elle réchauffée

    Par un soleil encore timide

    Que les carottes sont semées,

    En lignes parallèles,

    Tracées par le cordeau déroulé.

     

    Les caïeux d'échalotes rosées,

    D'une main délicate et maternelle,

    En mars sont confiés à la terre.

    Dès juillet, sitôt les longues feuilles desséchées,

    On récoltera les bulbes oblongs,

    Pour coucher au soleil les touffes encore humides,

    Comme des jeunes filles séchant leur peau bronzée

    Sur les blondes plages de l'été.

     

    On les prendrait pour des sédentaires enracinés,

    Mais quelques plants se déplacent pour copiner :

    Thym, fraisier, persil, pourpier

    Sont des rebelles

    Qui se promènent où bon leur semble,

    Se moquant bien du jardinier !

     

    Les courges et les courgettes,

     Semées par petits poquets,

    Doivent être dorlotées tout le printemps :

    Assoiffées, elles boivent comme un homme

    Mais elles pourrissent sous trop de pluie ;

    Les petites limaces noires et les escargots voraces

    Dévoreront les jeunes pousses,

    Ou bien, les tiges ligneuses et envahissantes,

    Donneront d'énormes feuilles,

    Grosses comme des plateaux à tarte,

    Qui cacheront le soleil nourricier

    Aux pauvres fruits avortés.

     

    Les pieds tortueux des tomates

    Dont les lianes cassantes sont soutenues

    Par de solides tuteurs en bois

    Sont veillés par les soucis et les œillets odorants : 

    Leur parfum trompeur

    Eloigne les insectes piqueurs.

     

    En août sont semés les oignons de printemps,

    « Doux des Cévennes »,

    « Long de Florence »,

    Ronds et dodus

    Sous leurs multiples jupons dorés.

     

    Les choux généreux et variés,

    Toute l'année se cultivent au potager :

    Oiseaux, pucerons et altises

    Auront ainsi tous les jours à manger !

    Choux de printemps semés en automne,

    Choux de l'été à la rapide croissance,

    Choux d'automne et d'hiver

    Que les gelées décorent de perles fines,

    Choux cabus, choux pommés,

    Choux de Milan à la robe bleutée,

    Choux-fleurs protégés par leurs robustes feuilles,

    Brocolis élégants singeant le pin parasol,

    Les choux de nos jardins ont oublié leur ancêtre bravache

    Affrontant sans broncher

    Les embruns de nos côtes sauvages.

     

    Les cloches de verre de Monsieur Caillebotte

    Brillent sur ses tableaux admirés,

    Mais dans le potager rénové,

    Elles étincellent au petit jour,

    Protégeant comme de coûteux joyaux

    Les plantules fragiles et tendres,

    Au cou tendu vers la lumière.

     

    Venez donc un dimanche d'été

    Vous promener au bord de l'Yerres ;

    Mettez un chapeau de paille,

    Une capeline vaporeuse,

    Une canne à bout ferré,

    Prenez une ombrelle ajourée,

    Vous flânerez dans le parc fleuri

    Ou vous ferez un tour de barque

    Sur la rivière douce et paisible.

     

    Vous oublierez la sitone du pois

    Qui grignote à grandes échancrures

    Les feuilles délicates ;

    Vous oublierez l'altise légère

    Qui crible de trous radis et navets.

    Vous oublierez la cicatelle écumeuse

    Qui couvre de bave mousseuse

    Lavandes et verges d'or.

    Vous oublierez le puceron lanigère

    Qui dépose délicatement sur les pommiers

    De petits flocons laiteux,

    Et même le perce-oreille détesté des enfants

    Qui découpe avec acharnement méchant

    Les pétales fruités,

    Vous entendrez piailler joyeusement les oiseaux,

    Et surtout les perruches coquines

    Qui dansent sur vos têtes un ballet vert et bleu.

     

     

    Et puis, poussant la porte du potager,

    Vous viendrez respirer la sarriette rosée

    Qui parfume les fèves ;

    Sur l'hysope toujours verte,

    Vous verrez butiner papillons et abeilles ;

    Vous cueillerez la bourrache bleue

    Pour en confire les fleurs comme des violettes.

    L'estragon et la civette,

    La coriandre et l'anis,

    La marjolaine et l'origan odorants

    Vous donneront envie de chanter.

     

    Venez donc un dimanche

    Pour cette charmante promenade :

    Parfois, au détour d'une allée,

    Vous verrez un étrange personnage,

    Un dessinateur inspiré par les volutes du volubilis,

     Suçant son crayon comme un élève appliqué.

    Ou bien, un chevalet abandonné

    Oscille sous le vent malicieux,

    Et les guêpes pourtant effrontées

    Rient d'entendre un juron étouffé.

    Plus loin, une toile est abandonnée

    Par le peintre fatigué

    Des odeurs entêtantes d'huile et de térébinthe.

    Avec un copain jardinier,

    Il s'offre dans la serre un petit verre glacé.

    L'aquarelliste hésite,

    Entre le vert de vessie et le vert olive,

    Pour donner vie aux artichauts,

    Il lui faut du violet et du brun.

    Bien sûr, il n'en a pas sur sa palette,

    Il lui faudra des heures pour l'inventer.

    Le potager se pare de tableaux

    Qui sont les miroirs de la vérité implantée !

     

     

    Par pleines poignées odorantes et fleuries

    Vous récolterez aux portes de Paris,

    Tout le bonheur offert par ce potager

    Et ses courageux jardiniers…

     

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    LUNDI 14 MAI 2012, A 19:26
    LA P'TITE BÊTE
     

     

     

    Quelle est cette petite bête

    Qui monte, monte, monte,

    Et ne me fait pas du tout rigoler ?

     

    Cette petite bête est une tique

    Aux crochets acérés,

    Plantés méchamment

    Sur ma peau douce et dorée.

     

    La p'tite bête,

     C'est le prix du paquet de café,

    Le p'tit noir du comptoir

     Dont je n'veux pas m'passer.

    La p'tite bête qui monte, monte, monte,

    Porte le joli prénom que voici : Inflation.

    La petite bête,

    C'est la plaquette de chocolat

    Qui contient tout,

    Sauf le cacao, trop cher à importer.

     

    Quelle est cette petite bête qui monte ?

    C'est le prix de ma santé :

    Je paie le forfait hospitalier,

    La consultation sur-taxée,

    La complémentaire   explosée !

    Oh ! la méchante bébête,

    Elle est bien accrochée,

    Mon sang déjà contaminé.

     

    La bête se promène ,

    Dans les rayons du super-marché.

    Le bœuf a mis des ailes en or,

    Et le veau gras s'est envolé.

    Le poisson frais, ou bien pané

    Grimpe les escaliers.

    Même le dimanche, plus de poule au pot :

     Je paie la traçabilité.

     

    Quelle est cette petite bête

     Qui monte, monte, monte ?

    Le prix du baril a flambé,

    Ma carte bleue s'est asséchée

    Pour nourrir ma voiture assoiffée.

     

    Il fait très froid chez mes amis,

    La cuve à fioul n'est plus remplie.

    On ne joue plus aux tarots :

    Il faut danser, sauter, gigoter,

    Chauffer son lit avec une bouillotte,

    Et boire un grog comme autrefois.

     

    Mangez, mangez fruits et légumes

    Si vous pouvez les cultiver :

    Mais pas question de les acheter.

    Tomates acides, concombres mous,

    Radis creusés, triste scarole,

    Même les patates ont augmenté,

     La soupe est claire dans les foyers.

     

    Achetez une voiture à pédales,

    Une trottinette, un vélo rouge,

    Compostez vos déchets

     Pour éviter la chère poubelle,

    Habitez à la campagne une cabane en bois,

    Creusez un puits, bâtissez une citerne :

    Oubliez Fée Electricité : c'est une sorcière !

    Dormez  dès potron-minet.

     

    La p'tite bête, sur ma peau parcheminée

    Continue son chemin.

    Bientôt, je serai totalement contaminée,

    Avec des douleurs, des faiblesses et des paralysies.

    La tique dévore ma carte bleue,

    Mon confort et ma vie :

    C'est la faute à la pénurie,

    C'est la faute au soleil, à la pluie,

    C'est la faute à la sur-production,

    Sans oublier les mondiales tensions…

     

     

     

     

    MERCREDI 09 MAI 2012, A 10:13
    LA PETITE MÉSANGE
     

     

     

    La pluie peut bien glisser

    Sur ma vitre mouillée,

    Le vent peut bien chanter

    Dans ma cheminée grondeuse,

    En pépiant d'une voix heureuse,

    Dressée sur la ganivelle de châtaignier

    De mon petit jardin,

    La mésange tout étonnée

     Découvre le monde entier

    Qu'elle s'octroie par son chant.

    L'oiseau nouveau-né,

    Encore ébouriffé

    Et tremblant sur ses pattes grêles,

    M'ordonne de sortir

    Dans le frais matin

    Où m'attend le printemps.


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    LUNDI 30 AVRIL 2012, A 10:56
    SECOND TOUR ET CONTES DE FÉES.
     

     

     

    Je suis le Prince charmant,

    Versant à mains ouvertes

    Les diamants de mes poches percées.

     

    Je suis l'Ogre vorace

    Transformé en Souris

    Par un Chat plus malin que lui.

     

    Je suis le Loup caché

    Mettant sa veste retournée

    Pour croquer les gens confiants.

     

    Je suis le Petit Poucet,

    Jetant du pain rassis

    Aux oisillons affamés.

     

     

    MERCREDI 25 AVRIL 2012, A 20:30
    LE PUITS
     

     

     

    Dans le puits à la haute margelle,

    Si haute que, pour se pencher sur son eau,

    L'on doit gravir une volée de marches grises,

    Dans le puits à la haute margelle,

    Une eau repose

    A je ne sais quelle profondeur,

    Sombre et sans couleur.

     

    Si je me penche pour la regarder,

    Je vois le reflet de mon propre visage,

    Si je souris, j'entends l'eau susurrer,

    Et si je pleure sur ma vie,

     Il me parvient

    Du fond de la nuit

    Quelques sanglots mouillés.

     

    Parfois, je lance un appel

    Qui me revient comme un écho moqueur,

    Et l'eau qui effleure mon image

    Frémit comme un ami fidèle.

    Sous l'ondulation de l'onde profonde,

    Le regard est sans vie et la voix inaudible :

    Ce n'est que mon visage, sans âge et sans ami.

     

    Et sur le puits à la haute margelle,

     Les pigeons blancs avec leurs ailes rondes

    Viennent draper la coupole rouillée.

    Ils restent là, le soir,

     Et puis s'endorment un peu,

    Bercés de leurs voix chaudes

    Tendrement roucoulées.

     

    Mais un jour, au fil des saisons qui passent,

    Dans l'eau sombre du puits à la haute margelle,

    Lorsqu'il s'ennuie près des fleurs assoiffées,

    Fatigué du vif scintillement qu'il a donné l'été,

    Le soleil se faufile tout au fond de mon puits,

    Filtrant dans l'eau quelques points ajourés :

    Le soleil invente des étoiles.

     

     

     

    MARDI 24 AVRIL 2012, A 08:53
    AFFICHAGE ÉLECTORAL
     

     

     

    Sur les murs , sur les panneaux mouillés

    D'où tombent des lambeaux de papier,

    Des yeux nous regardent fixement

    Et suivent nos pas.

    Les candidats figés n'ont pas osé sourire.

    Pas d'air sévère, mais pas non plus d'euphorie :

    On leur a dicté ce regard

    Où ne passe nulle émotion.

    Ils ressemblent à ce qu'ils sont :

    Des candidats de papier .

    Le papier détrempé

    Leur donne un air si triste

    Qu'on voudrait recoller les affiches,

    Ou bien, les arracher.

     

    L'avidité des candidats altérés de pouvoir

    Sous les pluies nous attriste :

    On a placé des victimes  perdues

    Près des écoles où rient les petits enfants.

    Les apparences sont sans poids

     Et le papier se déchire

    Comme est déchirée la vérité.

     

    Les fronts blanchis ont perdu toute vie,

    Les images flétries pâlissent sous les pluies.

     

    On ne lira plus les slogans,

    Les programmes ou les formules :

    Pourtant, les JE se dressent sur leur queue

    Et proclament Roi le MOI sans couronne.

     

     

    MERCREDI 18 AVRIL 2012, A 11:00
    PETITES CHANSONS D'AUTREFOIS
     

     

     

    Fleur d'épine,

    Fleur de rose,

    Fleur de jadis

    Fleur d'autrefois,

    Ton nom ne valait pas cent écus

    Quand ton honneur était perdu.

     

    Fleur de rose,

    D'ailleurs ou d'ici,

    Fleur d'épine d'aujourd'hui,

    Ton nom s'étale sur les journaux,

    Toi qui ouvres tes pétales

    Sur le net,

    A la télé,

    Sur le papier glacé.

    Pour ton corps exposé

    Aux brûlants regards,

    Nulle ombre pour te cacher,

    Mais des milliers de dollars

    Sous les projecteurs insolents.

     

    Ni pudeur démodée,

    Ni honte avouée,

    Juste un motif de fierté.

     

     

    Gentil coqu'licot, Mesdames,

    Gentil coqu'licot, Messieurs :

    J'ai descendu dans mon jardin

    Pour y cueillir du romarin.

    Sur ma main ne s'est posé aucun rossignol,

    Mais sur le sol, un étourneau bavard

    Est venu me dire trois mots verlan :

    Que les hommes ne valent rien

    Et les garçons encore moins bien,

    Gentil coqu'licot, Messieurs.

    Des dames, me dit peu de bien,

    Et des d'moiselles jamais vues,

    Me dit qu'il n'y en avait plus.

     

     

    Nous n'irons plus au bois,

    Les lauriers sont coupés,

    Les marronniers,

    Les châtaigniers,

    Et les tilleuls,

    Les vignes et les vergers.

    Les amoureux n'iront plus s'y cacher :

    On a bâti mille logements,

    On a bétonné les jardins.

     

     

    Voyez comme on danse,

    Comme on balance,

    Comme on rappe dans les cages d'escalier.

     

    Nous n'irons plus au bois,

    Nous irons faire des courses

    Avec un beau caddy

    En guise de panier.

    La douce Jeanne, la bergère

    A perdu son gagne-pain,

    Mais les loups dans les bois de béton

    Sont de plus en plus vilains.

    Ils mangent petits garçons, petites filles

    Qu'on ne laisse plus sans collier :

    En voiture, faut les accompagner ;

    Nul jeu dans les rues,

    Nulle partie de cache-cache

    Dans les ruelles inanimées.

    En voiture, toujours sanglés,

    Petits enfants, vous n'irez plus au bois,

    Vos jambes sont coupées.

     

     

    Dors,

    Min p'tit Quinquin,

    Min p'tit pouchin,

    T'as pu ton biau sarrau,

    Ni d'pantalon d'drap blau,

    Ni d'gilet d'lain' ben chiau.

     

    Dans l'magasin du grand cent' commercial,

    Ti trouv'ras jeans et colon léger,

    J'tacatrai un nouveau portable,

    Ti diras merci pour l'heur,

    Mais ti voudras d'main la dernière Nitendo.

    Ti crois qu'jai les mains plein'd'écus,

    Ti  t'crois un p'tit Milord !

    Mais mi, j'ai pu d'suc à gogo,

    J'ai l'chômage qui m'chagrine

    Que j'crains d'vir arriver l'jour,

    Et je n'dors point,

    Et je n'dors point,

    Point j'qu'à d'main.

     

     

    A la claire fontaine,

    M'en allant promener,

    J'ai trouvé l'eau si belle

    Que je voulus m'baigner.

     

    Il y a longtemps que l'eau coule

    Mais elle est trop polluée.

     

    Le fleuve et la rivière

    Cachent des métaux malsains,

    La truite et l'écrevisse

    S'élèvent dans des bassins.

     

    Il y a longtemps que l'eau coule,

    Mais elle est trop polluée.

     

    Chante, rossignol, chante,

    Chante si tu peux rêver,

    Toi qui as le cœur gai,

    Tu as le cœur à rire,

    Moi, je l'ai à pleurer.

     

     

     

     

     


    MARDI 17 AVRIL 2012, A 10:25
    S'ASSEOIR
     

     

     

     

    S'asseoir sur un banc

    Dans un parc fleuri,

    Regarder pédaler les enfants,

    Sourire au bonheur du passant…

     

    S'asseoir à la terrasse d'un café

    Protégé de la bise d'une écharpe enroulée,

    Regarder courir les gens,

    Les gens pressés qui n'ont pas de temps…

     

    S'asseoir dans une ville inconnue

    Sur les marches d'un escalier de pierre,

    Ereinté d'avoir tant marché

    En découvrant des monuments jamais vus…

     

    S'asseoir dans son fauteuil préféré,

    Le chat roulé sur les genoux,

    La truffe du chien aux yeux de velours

    Sur la main tenant un livre d'amour…

     

    S'asseoir dans une église sombre,

    Laisser l'émotion vous gagner,

    Penser à ceux qu'on a aimés

    Dont l'ombre protège pour l'éternité…

     


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    MERCREDI 28 MARS 2012, A 15:11
    LE GRAND ROI BALTHAZAR
     

     

     

    Pour boire le vin impie dans les vases sacrés

    Le Roi Balthazar donna en son palais

    Un festin magnifique pour les grands de ce monde.

    Mille vinrent s'allonger près des tables fumantes,

    Vêtus de soie légère et  chamarrée.

    Les poignards damassés luisaient sur leur ventre tendu,

    Et leurs yeux se voilaient de désirs violents

    A la vue des danseuses lascives…

     Il coulait des amphores toujours plus de vin

    Et les hanaps  vidés se remplissaient souvent.

     

    Quand les vapeurs d'alcool embrumèrent

    Sa tête enrubannée,

    Balthazar fit venir dans la salle enfumée

    Les vases d'or et d'argent aux prières gravées,

    Les vases sacrés du Temple de Jérusalem,

    Jadis volés par le Roi de Chaldée,

    Nabuchodonosor à la puissante armée,

    Qui détruisit le Royaume de Juda

    Ne laissant des murailles que de tristes amas.

     

    Du Temple vénéré s'emparant des richesses,

    Confondant l'or sacré et l'or de ses idoles

    Par son désir de gloire et sa cupidité,

    Pour boire le vin impie jusqu'à l'ivresse folle,

    Balthazar, son fils, par forfanterie d'impiété

    Fit apporter en somptueux cortège

    Les vases rutilants lisérés de rubis

    Aux grands de son royaume qu'il avait invités

    Pour une orgie de mets, de boisson et de chair.

     

    En grande pompe entrèrent dans la salle

    Où le repas devenait orgie, les Princes de sang

    Et les émirs enturbannés aux plastrons rutilants

    Venus d'Egypte et même d'Arabie,

    Tenant en main comme des amis précieux

    Des faucons aux yeux fous et vingt tigres d'Asie.

     

    Pour boire le vin impie dans les vases sacrés

    Volés jadis par grande impureté,

    Balthazar fit porter aux grands de son royaume

    Les Saints vases du Temple luisant sous les flambeaux.

     Les esclaves, dont les muscles huilés

    Brillaient à la clarté des lampes,

    Apportèrent les vases aux épouses jalouses

     Dont les vermeilles joues et les lèvres offertes

    Se coloraient sous l'alcool enivrant.

     

    Il les fit apporter aussi aux noires concubines

    Dont les voiles transparents dévoilaient, impudiques,

    Les douces courbes ambrées .

    Aux amis du Royaume, il les fit apporter,

    A leurs épouses aux yeux cernés de khôl,

    A leurs concubines avides et rieuses,

    Il fit apporter les Saints vases du Temple

    Pour boire le vin impie dans les vases sacrés.

     

    Ils burent et s'enivrèrent, et les ventres pansus

    Sur les damas brochés se tendaient ;

    Abrutis de vin lourd et voluptueux,

    Ils entonnèrent des chants et des louanges

    A la gloire des idoles silencieuses.

    Ils louèrent leurs dieux d'or et d'argent,

    Ils louèrent leurs dieux de bronze et de fer,

    Ils louèrent leurs dieux de bois et de pierre,

    Les dieux vivant dans les palais fastueux,

    Les dieux trônant sur l'agora des villes,

    Les dieux marquant les carrefours des chemins.

     

    Ils burent et s'enivrèrent,

    Buvant le vin impie dans les vases sacrés,

    Les vases volés jadis au Temple vénéré.

     

    Soudain, à la lueur des torches,

    Sur le mur de la royale salle,

    Apparurent des doigts sans qu'on y vît la main.

    Les doigts s'approchent pour marquer dans la pierre

    Des signes inconnus que nul ne reconnaît.

     

    Quel est ce sortilège, quelle est cette magie

    Qui fait trembler le Roi,

    Qui fait trembler les seigneurs avinés 

    Qui vomissent de peur sur la moire

    De leurs habits brochés ?

    Quel est ce sortilège, quelle est cette magie

    Qui fait trembler les épouses jalouses,

    Qui fait trembler les concubines

    Aux mains alourdies d'amantin ?

    Quel est ce sortilège qui frappe d'une étrange stupeur

    La salle où s'arrête soudain le festin ébranlé ?

    Quel inquiétant silence fige danses et palabres ?

     

    Balthazar, la voix troublée d'effroi

    Se ressaisit pourtant.

    Il demande qu'on fasse venir Daniel,

    Daniel, le Juif déporté de Juda

    Par le père du grand Roi,

    Qui l'emmena, captif, avec ses frères de sang

    Pour un cruel exil.

     

    Es-tu Daniel, l'homme amené de Juda

    Par le grand Roi, mon père,

    Nabuchodonosor, second de la lignée,

    Le plus grand des grands Rois ?

    J'ai entendu dire dans mes quartiers

    Où glissent en me servant mes fidèles esclaves

    Que les dieux t'ont doté d'un étrange pouvoir,

    D'une puissante clairvoyance qui te permet de voir

    Les énigmes cachés, les songes et les présages.

    Vois cette main qui grave sur ce mur

    Les signes qui sont pour moi mystères inquiétants.

    Dis-moi le sens de ces mots dessinés :

    Tu seras pour cela bien récompensé :

    Je t'accorderai la pourpre princière,

    A ton cou, j'accrocherai collier d'or et de pierres 

    Qui flamboient à la lueur des torches.

    Courbant la tête devant ton importance,

    On te servira en grand apparat

    Car tu seras de mon immense royaume

    Le troisième homme le plus craint et le plus respecté.

     

    Garde tes présents, répondit Daniel au grand Roi,

    Pour les offrir au Dieu qui parle et qui juge.

    Je déchiffrerai l'inscription céleste

    Que Dieu pour ta gouverne t'a envoyée.

     

    Roi Balthazar, tu t'es élevé contre ton Seigneur,

    Tu t'es servi des vases sacrés pour boire le vin impie,

    Toi, les puissants du royaume aux oreilles percées

    De topaze et de rubis,

    Vous, les épouses aux yeux cernés de khôl,

    Vous, les concubines avides d'agates et de grenats,

    Vous avez tous rendu grâce,

    Vous avez chanté les louanges

    A vos dieux d'or et d'argent,

    A vos dieux de bronze et de fer,

    A vos dieux de bois et de pierre,

    A vos dieux vivant dans les palais somptueux,

    A vos dieux trônant sur l'agora des villes,

    A vos dieux marquant les carrefours des chemins.

     

    A ces dieux sourds et aveugles,

    Vous avez rendu gloire, et, comme des loups affamés,

    Vous vous êtes empiffrés de mets rougis de sang.

    L'œil engourdi de vin,

    Vous avez profané les vases vénérés.

    Toi, Balthazar, tu n'as pas célébré le Dieu vivant

    Qui tient ton souffle dans sa main.

     

    Au mur sont gravés trois mots :

               Compté,

                Pesé,

                Partagé.

    Compté : Dieu a compté les jours de ta vie

    Et de ton règne éphémère,

    Pesé : Dieu t'a pesé dans sa balance

    Et t'a trouvé trop léger.

    Partagé : ton royaume puissant sera divisé,

    Tes ennemis, Mèdes et Perses

    Se partageront tes restes,

    Comme les coyotes aux dents acérées

    S'arrachent la dépouille fumante

    D'une brebis dépecée.

     

    Comme le sel fond dans l'eau

    Sans qu'un seul grain n'apparaisse,

    Ton royaume, Balthazar, sera dissous

    Dans l'Empire qui s'étendra

    De l'Egypte à genoux jusqu'aux confins de l'Indus.

     

    Ainsi mourra le second empire des Assyriens :

    Cyrus délivrera les Juifs captifs à Babylone…

    Ne prenant ni lame, ni glaive,

    Ils marcheront dans le sable et la pierre ;

    Ils reverront leur lointaine patrie

    Pour rebâtir à Jérusalem le Temple détruit.

     

    Ils fondront l'or et l'argent

    Dans les creusets de pierre,

    Pour replacer dans le Saint des Saints

    Aiguières nouvelles et vases sacrés.

     

     

    SAMEDI 17 MARS 2012, A 12:59
    LES BALCONS DU PÈRE CANTOCHE
     

     

     

    C'est une petite fille derrière la balustrade,

    Une fille gracile aux grandes nattes dorées :

    Elle surveille les miraculeuses graines de souci

    Qu'elle a semées hier dans un joli pot de grès,

    Mais hélas, les graines n'ont pas encore germé.

     

    La jeune fille a attendu patiemment

     Que partent ses parents :

    Ses yeux cernés de noir se plissent sur le lointain,

    Ses lèvres roses sourient sur un rêve inavoué.

    Elle penche son corps léger, en étirant sa nuque,

    Au loin  vrombit un moteur pétaradant.

     

    Ses grosses jambes dilatées ne peuvent plus la porter.

    Elle épluche des pois verts en murmurant un chant,

     Attendant devant sa fenêtre de voir quelques passants.

    La durée du jour sur ce balcon semble une éternité :

    Elle est vieille et sourde, impotente et usée,

    Elle respire le soleil pour mieux se réchauffer.

     

     

     

     

    DIMANCHE 11 MARS 2012, A 21:47
    DE QUOI TU T'MÊLES?
     

     

     

    M'enfin, tu t'mêles de quoi ?

    Un plâtre sur le pied,

    Pauvre voisin handicapé !

    Je pars en course,

    Monsieur, voulez-vous du pain,

    Pour aujourd'hui ?

    Pour demain ?

    De quoi tu t'mêles ?

    J' me mêle de toi.

     

    Mais, de quoi tu t'mêles

    Encore une fois ?

    Amie, les traits tirés,

    Le regard attristé :

    On va se faire un p'tit café ,

    Histoire de bavarder,

    Histoire de causer ?

    De quoi tu t'mêles ?

    J'me mêle de tout,

    J'me mêle de toi !

     

    Même le chien dans la rue,

    Le chien fatigué et perdu :

    Montre ton joli collier,

    Viens manger la sousoupe !

    De quoi j'me mêle ?

    J'me mêle de tout,

    Même des toutous.

     

    A l'enfant capricieux,

    J'fais les gros yeux,

    A l'enfant souriant,

    Un clin d'œil amusé,

    Un p'tit bonjour au petit vieux,

    Un p'tit coucou

    Au facteur grincheux.

    De quoi j'me mêle ?

    J'me mêle de tout,

    J'me mêle de toi.

     

    L'oiseau hors du nid,

    La guêpe engluée,

    Faut que j'aille les sauver.

    J'lis les journaux,

    J'prends les infos,

    Tout m'intéresse,

    La politique et les contes de fée.

     

    Tout compte pour moi,

    Greffer les rosiers avec un jardinier,

    Comprendre les frontières avec un historien,

    Je m'intéresse à tout,

    A toute l'humanité.

    J'me mêle de tout,

    De tout, de tout,

    Et même de toi.

     

     

     

     

     

    JEUDI 01 MARS 2012, A 10:40
    SOLEIL DU MATIN
     

     

     

    Coffre d'ébène, le ciel aux mille clous étoilés

    Du Levant, une clef…

     

    Un soupir, une fumée, la nuit s'échappe,

    Et lentement transpire

    La mousseline des rêves,

    Et lentement se déchirent

    Les noires dentelles des cauchemars crochetés.

     

    Sur le clocher du village,

    Un flocon de mohair blanche.

    Gongs soudains :

    Premiers du magicien,

    Seconds de la fée…

     

    Etiré, illimité,

    Un clair foulard de soie

    A l'horizon se drape.

     

    Au plus loin, sur le dos arrondi des vallons,

    La danse des voiles mauves

    Et des châles dorés,

    Sous le précieux scintillement

    D'un énorme rubis taillé.


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