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    MARDI 31 AOÛT 2010, A 11:34
    VILLAGE DES CAUSSES
     

     

    Dormez, gens de ce petit village,

    Depuis midi, les volets sont fermés.

    Dormez, gens du pays d'ici,

    Du haut des tours cassées, les siècles ont défilé.

     

    Près de l'église brune, le ruisseau toujours las

    Grignote lentement une berge lassée,

    Et l'arche du vieux pont berce une algue lascive

    Et l'on entend sonner au loin le monastère.

     

    Des dentelles de pierre, des dents de tissu fin,

    Des parures de soie, des bonnets tuyautés

    Et de clairs brodequins pour des pieds de poupée :

    La marquise est partie, demeure son parfum.

     

    Dormez, gens de cette vallée,

    Le ciel toujours est gris sans vos chansons légères.

    Les minuits se succèdent sur les toits fatigués,

    Et dans vos tombes blanches,

     

    Dormez sans vous soucier…

     

     

    DIMANCHE 29 AOÛT 2010, A 10:10
    BOUQUET DE FLEURS
     

     

    Un bouquet de fleurs,

    Quoi de plus éphémère ?

    Un bouquet de fleurs,

    Quelques jours de bonheur ?

     

    Le plus beau des bouquets,

    Fut le  premier reçu,

    Le plus joli cadeau

    D'un monsieur généreux.

     

    Plus tard, bien plus tard,

    D'amoureux pleins d'attention,

    J'ai reçu  de très coûteuses roses,

    Mais pas autant d'émotion.

     

    Il n'y a pas deux jours,

    Il n'y a pas deux mois,

    Il n'y a pas dix ans,

    Mais bien plus de trente ans.

     

     

    J'étais jeune et morose :

    Je pensais le matin

    Qu'il y aurait encore

    Sur mon petit jardin

     

    De fines  poudres blanches

    Déposées par l'usine,

    Et des fruits avortés

    Sur l'abricotier nain.

     

    Juste en été le chaud,

    Et tout l'hiver la bise,

    Tant de poussières grises

    Annulant les saisons.

     

     

    Pas un souffle d'air pur

    Qu' on puisse respirer,

    Pas une fleur ouverte

    Qu'on puisse regarder.

     

    Mais dans la chambre nue,

    Dans la chambre sordide

    Où j'alignais les vers,

    Me prenant pour Musset,

     

    Un miracle d'amour, de beauté,

    De fraîcheur,

    Un bouquet de printemps,

    Fleurs éphémères jamais oubliées :

     

    Trois branches de lilas blanc

    Et trois tulipes roses,

    Et un parfum léger

    Transformant toute chose :

     

    Bouquet de pauvre,

    Mais bouquet de prince,

    Offert par mon père chômeur

    Pas vu depuis deux ans.

     

    Si les fleurs ont fané,

    En moi sont restées  belles,

    Et mon père décédé

    Est encore bien vivant.

     

    Pas cent roses écarlates,

    Juste un simple bouquet,

    Trois fleurs de lilas blanc

    Et  trois tulipes roses,

     

    Un bouquet éternel,

    Magnifique et puissant,

    Merveille de l'amour

    Imprimé pour toujours.

     

    Trois fleurs de lilas blanc

    Et trois tulipes roses,

    Un très joli bouquet

    Donné par mon  papa.

     

     

     

     

    MARDI 24 AOÛT 2010, A 09:20
    MATIN SUR LA MARAIS POITEVIN
     

     

    D'une main boueuse, l'étang brasse la vase

    Et murmure dans les berges broussailleuses.

    Sort de la nuit sa bouche molle de terres gorgée,

    Argile aux lourdes ombres, aux paupières bleuies.

     

    Entends crier la hulotte roussie,

    Monstre alarmé de son propre cri :

    Il file ses ailes pesantes en claquant du papier

    Pour se cacher dans les peupliers gris.

     

    Livide et frêle, un bouleau blanc sort de la nuit,

    Et gémit la hulotte  éblouie de lumière.

    Le guéret tout-à-coup se baigne de couleurs

    Et l'on entend au loin un chien dans un fourré.

     

    Le marais palpite en éveillant l'oiseau,

    C'est un héron cendré au regard de violence :

    Vois, de la plume au bec, il guette le soleil

    Pour dévorer ses proies.

       

     

     

     

     

    MARDI 24 AOÛT 2010, A 08:24
    LA MEIJE
     

     

    Si haute, si blanche,

    Si lointaine,

    La Meije m'appelle par mon prénom,

    Et j'entends la voix d'une amie.

     

    Si blanche, si froide,

    Si altière,

    La Meije attire mon regard et mon pas,

    Et je rejoins une amie.

     

    Là se rejoignent mes rêves,

    Là s'engloutissent mes peines,

    Là se créent mes prières,

    Là, j'embrasse l'univers.

     

    Je peux boire à en être désaltérée,

    Je peux manger à en être rassasiée,

    Je peux penser sans une ombre d'angoisse,

    Je pourrais y dormir  à en être reposée.

     

    C'est ici qu'il me faudrait mourir,

    Mais c'est ici que j'ai envie de vivre.

    Loi de mon corps fatigué de la marche,

    Loi de mon esprit qui se nourrit de beauté.

     

    Ici, je peux respirer

    Ou cesser de respirer,

    Ici, je peux venir avec des amis

    Ou affronter seule l'Oisans tout entier.

     

    Cette marche longue et fastidieuse

    Pour mes jambes inexpertes

    Me donne fatigue et bonheur,

    Me donne des forces vives et joyeuses.

     

    Mon visage ne se bute plus

    Aux immeubles agressifs,

    Mon oreille ne siffle plus

    Au passage des motards pressés.

     

    Mon visage ne se bute plus

    Aux vitres d'une fausse vie,

    Avec ses murs et ses donjons,

    Ses meurtrières et ses oubliettes sombres.

     

    Je gobe l'air léger

    Comme le carpillon gobe la mouche,

    Comme le papillon, j'étends mes ailes,

    Et je suis sûre d'être éternelle.

     

     

    LUNDI 02 AOÛT 2010, A 11:20
    MÉLI-MÉLO
     

     

     

    Car, dans ma tête en saladier

    On a décidé de mêler les idées :

    En moi, le doux et le sucré,

    L'amer hiver et puis le bel été.

     

    Une cohorte d'idées me ronge

    Et je cherche où les placer :

    La droite tourne à mes côtés,

    La gauche est encore mal logée.

     

    Dans mon esprit confus

    Tout me semble illusion.

    Les mots s'échappent de mon masque

    Et s'envolent vers l'insane horizon.

     

    Des aggraves et des anathèmes

    J'en ai prononcé plein,

    Mais j'aimerais me reposer

    Sur des idées melliflues.

     

    Avec les rides viendront la bonté,

    La sagesse et l'espoir :

    Je ne voudrais pas vieillir

    Sans embrasser l'humanité.

     

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    SAMEDI 31 JUILLET 2010, A 20:37
    REGARDS
     

     

    C'est pour moi un homme,

    La bouche grasse, le pied tordu,

    Et l'œil vairon, et la peau grise,

    La main trapue, l'oreille lapine,

    Les ongles noirs, le dos bossu.

    Et c'est aussi une femme,

    Trop grosse, trop maigre, usée,

    Trop ceci, et pas assez cela.

    Devant moi se casse un Picasso

    Que mon esprit retors piétine d'adjectifs

    Péjoratifs, toujours, sous mon regard mauvais.

     

    Qu'attends-tu, Seigneur,

    Pour rassembler le puzzle

    Et me présenter l'homme aimé de Dieu,

    Dont le pied marche,

    Dont l'œil regarde,

    Dont la main créée,

    Où l'esprit souffle, comme il soufflerait en moi

    Si mes yeux n'étaient pas scellés

    Par les préjugés, par l'indifférence,

    Par la bêtise, l'ironie,

    La haine tapageuse et stupide ?

     

    Arlequin de triste comédie,

    Je dois poser mon habit coloré :

    Mettre l'habit de lumière, la robe du baptisé.

    Les yeux alors ouverts sur la vérité de l'homme,

    Je le verrai, fils bien-aimé de Dieu,

    Source de mes paroles attentives,

    Source de mes pensées bienveillantes,

    Création divine née de l'amour et de l'universalité

    Dont je suis une, petite, petite,

    Mais pour l'éternité.

     

     

     

     

     

     

    MARDI 27 JUILLET 2010, A 16:38
    MEA CULPA, MEA MAXIMA CULPA
     

     

     

     

    Donc, Seigneur, tu veux aussi mon pardon.

    Mon pardon que je ne peux pas donner,

    Qui me ronge et m'empoisonne

    Et me jette dehors dans le froid, dans la nuit.

    Il faudrait donc, Seigneur, que j'efface et oublie

    Ma cicatrice tiède et mon sang affolé ?

    La paix viendra en moi quand j'aurai fait la place

    A des sourires argentés,

    Mais, habitée de haine, je me tiens mieux debout.

    A toi, Seigneur, tant de fois, j'ai crié :

    Ne me garde pas rigueur,

    Je ne suis qu'un enfant troublé !

     

    Aujourd'hui, je supplie ta force apaisante

    Pour que je donne, pour que j'accorde mon pardon :

    Qui le veuille le prenne.

    En moi doit jaillir une eau bien plus légère,

    Une eau qui chante et nourrisse mon âme,

    Pauvre âme tâchée de souvenirs haineux,

    De regrets vils, de pensées tortueuses,

    Pauvre âme abîmée d'angoisse

    Qui ne dit plus son nom

     Et se cache sous des douleurs fugaces,

    De migraines, de nausées,

    Du  mal de mal aimer.

     

    Une année passera bientôt, et de l'automne rousse

    Eclateront les lumières dorées :

    Fais qu'à cette heure-là, mon pardon soit donné.

     

     

     

     

    DIMANCHE 25 JUILLET 2010, A 20:58
    LES CADEAUX
     

     

    J'ai un cadeau pour toi,

    Me dit la vague,

    Juste un petit embrun salé

    Pour y perdre ta larme.

     

    J'ai un cadeau pour toi,

    Me dit le vent,

    Juste une légère brise

    Pour rafraîchir ton front.

     

    J'ai un cadeau pour toi,

    Me dit l'orage,

    Juste un boucan du diable

    Qui cachera ton cri.

     

    J'ai un cadeau pour toi,

    Me dit la pluie,

    Juste une goutte pure

    Pour y laver  ta peine.

     

    J'ai un cadeau pour toi,

    M'a dit le petit bois,

    Quelques arbres géants

    Pour perdre ta boussole inutile .

     

     

    DIMANCHE 25 JUILLET 2010, A 20:35
    UN QUOTIDIEN BIEN TRISTE
     

     

    Je suis debout dès le matin

    Malgré mon désir de sommeil ;

     

    Je me jette sur des livres vains

    Malgré mon désir d'écrire ;

     

    Je mange sans avoir faim,

    Je bois sans désir d'ivresse.

     

    Et quand je me glisse entre mes draps rêches,

    Je n'espère ni dormir, ni rêver,

     

    Mais seulement plonger dans un abîme sombre

    D'où le soleil me tirera le lendemain.

     

     

     

    VENDREDI 16 JUILLET 2010, A 10:31
    VILLAGE PERDU D'AUVERGNE
     

     

    Descendant des montagnes,

    Le cœur léger  et les chaussures crottées,

    Pendant des heures et des heures,

    Je vis s'ouvrir de proche en proche

    Au débouché de forêts closes

    Et de gothiques sentiers

    Des toits plombés sombrant sur le hameau.

     

    Dormez village gris, village de grisaille,

    Village grillagé,

    Vos portes sont fermées,

    Vos volets sont pincés.

     

    J'ai longé, solitaire et déçue

    Les maisons en enfilade raide,

    Les maisons aux lèvres serrées,

    Aux serrures bandées :

    Dormez, village gris, village de grisaille,

    Village grillagé.

     

    Au gris des murs,

    Des allées de platanes rapides et serrés

    Vers l'escalier de pierre

    D'un château endormi :

    Les pelouses sont lavées,

    Les fleurs interdites.

    Désolantes certitudes qu'on ne pourrait entrer.

     

    Si vieilles étaient les barrières,

    Si vieilles étaient les clôtures,

    Et si vieux les vieux murs,

    Construits pour une éternité,

    Que j'ai pu lire en ce village

    Aux  paupières froncées :

    Ici, défense d'entrer.

     

    Au bout du village tout gris,

    J'ai longé tant de noires bergeries,

    Tant de noires laiteries :

    Pas de foin, pas de fontaine,

    Juste une route étroite pour marcher,

    Assoiffée de paroles

    Et de contact humain.

     

    Passez, passez, passez,

    Dans ce village gris, il n'y a pas de halte,

    Pas de visage, pas de main,

    Village de grillage, village grillagé,

    Village impénétrable où je suis étranger,

    Je voudrais bien entrer.

     

     

    JEUDI 15 JUILLET 2010, A 21:29
    LA VEUVE
     

     

    Il faut jeter ces vieux diapos,

    Tout ce fouillis, toutes ces photos,

    Et tu ne peux tout de même pas garder

    Ces vieux dessins, ces vieux papiers !

     

    Elle a des enfants si gentils,

    Ils s'occupent bien de sa vie…

     

    T'as les lunettes de grand-papa ?

    C'est pas possible, ce bazar-là !

    On s'y mettra avec Sarah,

    On va très vite trier tout ça !

     

    Ses enfants sont très gentils,

    Toujours présents dans sa vie…

     

    Ces bouquins lus et relus

    Faudra aussi  les mettre au rebut !

    Et ces boutons pleins les tiroirs,

    Pourquoi en faire tout une histoire ?

     

    Ces livres-ci sont mes amis

    Je ne les lis plus, je les caresse :

    Ils m'apportent la tendresse

    Dans leurs pages encore tapie.

     

    Comme ses enfants sont gentils !

    Ils s' intéressent à sa vie…

     

    Cette jupe-là est trop usée,

    Ce chemisier est démodé !

    Ce long veston est à papa :

    Pourquoi donc garder tout ça ?

     

    Dans cette jupe abîmée et ces bottes,

    Je suis partie en mai pour accoucher.

    Dans ce veston usé à redingote

    Papa m'a demandé de l'épouser…

     

    Ces pyjamas font carnaval :

    Gardes-en un pour l'hôpital ;

    Ces escarpins ne te vont pas :

    Tu devrais mettre des souliers plats.

     

    Ces pyjamas me tiennent au chaud

    Quand je regarde les infos.

    Je sais marcher avec des talons

    Et sans boiter, et sans bâton !

     

    Ses enfants sont si gentils !

    Ils l'aident à ranger son fourbi…

     

    Il faut trier, il faut jeter,

    Il faut enfin tout nettoyer :

    Les armoires pleines, les tiroirs bondés

    De tous ces trucs dépareillés !

     

    Ce bouton peint d'un paysage,

    Ces vieux tricots pas terminés,

    Ce ruban vert, cette dentelle défraîchie

    Sont les pages de ma vie…

     

    Ses enfants sont très présents :

    Tant d'attention, c'est émouvant !

     

    Maman, tu n'es pas raisonnable :

    La maison est bien  trop grande,

    Et tu n'es plus du tout capable

    De l'entretien : il vaut mieux vendre !

     

    Prends donc un appart plus petit,

    Et pourquoi pas, change de quartier !

    Tu as ici trop d'escaliers,

    Sur le parquet, tu peux glisser…

     

    Un grand deux pièces, c'est suffisant,

    Avec balcon, évidemment :

    Tu pourras mettre quelques pensées,

    Une petite table pour déjeuner…

     

    Ses enfants sont si gentils,

    Ils sont attentifs à sa vie…

     

    On te demande de réfléchir,

    Et pour cela, tu as tout le temps :

    Pense aux années qui vont venir,

    On ne s'ra pas toujours présents…

     

    J'ai cru ma vie terminée

    Mais j'ai des projets pleins la tête :

    Je passe des heures sur internet,

    Je vais m'inscrire à l'université !

     

    N'oublie pas, maman, ta santé est fragile :

    Tu n'es plus ni forte, ni agile :

    Bien sûr, tu as encore de bons moments

    Quand on t'invite au restaurant !

     

    Mon logis est mon cocon

    Qui me protège de ses grands bras :

    J'aime les cris dans ma maison,

    J'aime y entendre du brouhaha.

     

    Mes enfants sont trop gentils

    Mais je veux diriger ma vie…

     

     

     

     

    MARDI 13 JUILLET 2010, A 12:09
    FASCINATION
     

     

    Je la vois,

    Je la vois continuellement,

    Je la vois toujours,

    Car j'ai failli être fasciné par elle.

    Vous la connaissez sûrement aussi :

    Elle a des yeux très clairs,

    Des yeux sans fond,

    Des yeux très pâles, très bleus.

    Et son visage est blanc et rose,

    Et son visage a bel ovale.

    Elle a des yeux très clairs

    Et j'ai failli être fasciné par elle.

     

    Et ses mains sont toutes fines,

    Ses doigts sont longs et souples.

    Comme j'aime ses petits ongles nacrés !

    Je les vois,

    Je les vois continuellement,

    Je les vois toujours.

    Elle a,

    Elle a de longs cheveux soyeux,

    Tout en douceur,

    Tout en blondeur.

    Elle a de longs cheveux soyeux

    Et des perles à ses oreilles.

     

    Et son  visage est blanc, est rose,

    Et son visage a bel ovale.

    Elle a, elle a aussi,

    De fines jambes, et des épaules

    Bien tendrement,

    Bien chaudement rondes.

    Elle a des doigts très souples

    Et j'ai failli être fasciné

    Par sa peau et son teint très clairs.

    Et j'ai failli être fasciné par elle.

    Elle a de longs cheveux soyeux,

    Tout en douceur, tout en blondeur.

     

    Elle a de longs cheveux soyeux

    Et des perles à ses oreilles.

    Ses robes sont très belles,

    Bien coupées, bien lavées, bien repassées.

    Ses chaussures me ravissent aussi, oui, aussi.

    Je les vois,

    Je les vois continuellement,

    Je les vois toujours.

    Et ses mains sont toutes souples,

    Ses doigts sont longs et fins.

    Qu'elle est jolie,

    Qu'elle est jolie !

     

    Mais son regard est perdu,

    Et ses cheveux soyeux inutiles ;

    De ses mains, elle ne saurait que faire :

    Elle ne sait que les regarder,

    Elle ne sait que parader,

    Elle ne sait que se faire adorer,

    Se faire aduler…

    Jamais, jamais elle n'a aimé,

    Et j'ai failli être fasciné par elle.

    Sa fadeur, qui me l'a dit ?

    Mes rochers, mes montagnes,

    Mes herbes et mes fleurs…

     

    Elle, elle est juste jolie,

    Elle est jolie sans mes paroles,

    Elle a juste à se regarder…

    Comme j'aime ses petits ongles nacrés,

    Et sa douceur, et sa blondeur !

    Et son visage blanc et rose,

    Et son regard un peu perdu !

    Elle n'a jamais connu,

    En robe claire, en short délavé,

    La montée des rochers,

    Elle n'a jamais glissé sur le talus du torrent,

    Sautant, riant, chantant !

     

    Elle a de longs cheveux soyeux,

    Elle est si bien coiffée,

    Le vent du large,

    Le vent violent, pirouettant, le vent hurlant,

    Le connaît-elle ?

    Et sa caresse, et son sable brûlant les yeux ?

    Qu'elle est jolie,

    Qu'elle est jolie !

    De ses jambes galbées, elle ne saurait que faire :

    Elle ne sait que les regarder…

    La voici sur son canapé :

    Elle rêve, elle dort : un ange !

     

    Un ange rose, et bleu, et pâle,

    Un ange endormi sur son charme.

    Comme j'aime son parfum de fleurs légères !

    Comme j'aimerais respirer son haleine !

    Mais le gel de la nuit à la belle étoile

    Qui jamais ne l'a mordue ?

    Mais la rosée de l'aube

    Qui jamais ne l'a réveillée ?

    Elle dort sur son canapé, inanimée.

    Elle a de longs cheveux soyeux,

    Des lèvres colorées,

    Et j'ai failli être fasciné par elle.

     

    Elle a de grands cils noirs,

    Mais les cils verts du lac,

    Mais les franges des pins ?

    Elle se regarde, ou bien, elle dort, inanimée ! 

    Et son visage blanc et rose,

    Et son regard un peu perdu ?

    Elle n'a jamais connu,

    En short usé, en souliers plats,

    La montée des rochers,

    Les neiges de l'été.

    Elle a de grands cils noirs,

    Et ses cheveux sont tout dorés.

     

    Elle se regarde, si jolie,

    Mais l'amitié des cordées,

    Mais les premiers névés ?

    Elle n'a jamais eu froid en plein été,

    Elle n'a jamais glissé sur les pierriers,

    Et j'ai failli être fasciné par elle…

    Et le poids de son corps sur la mousse des montagnes,

    L'a-t-elle jamais sue, cette joie de sombrer ?

    Elle est dans un lit blanc, un lit douillet,

    Un matelas très doux l'écoute,

    Et j'ai failli être fasciné par elle,

    Et j'ai failli l'adorer !

     

    Elle a des lèvres colorées,

    Mais la couleur des épilobes,

    Mais le courage des soldanelles ?

    Sa propre voix, je la connais,

    Elle est plainte à mon oreille

    Habituée aux répons des coucous.

    Mais elle est si jolie,

    Et ses yeux sont si clairs !

    J'ai bien failli être fasciné par elle…

    Mais moi, je marche sous les étoiles,

    Et j'engloutis ainsi

    Tous les nuages qui embrument ma vie…

     

    Oui, je suis fasciné aussi

    Par l'air des prés,

    Par l'air des monts,

    Par les buées, par les rosées,

    Les chemins et les sables,

    Les déserts , les  forêts et les fleuves,,

    Et le soleil, et les gelées.

    Me voici tel, et tel il faut m'aimer !

    Elle est très belle,

    Et j'ai failli être fasciné par elle,

    Mais toujours, toujours,

    Elle dort…

     

     

     

     

    LUNDI 12 JUILLET 2010, A 23:18
    GRIFFES D'UNE ÂME DOUCE
     

     

    Dans le petit matin

    Mon âme, mignonnette,

    Dans le petit matin,

    Mon âme s'est levée.

     

    Mon âme grise s'est levée,

    Dans le petit jardin,

    Mon âme , mignonnette,

    Mon âme grise s'est levée.

     

    Mon âme grise s'est lavée

    Au soleil, mon âme,

    Au soleil, doucette,

    Mon âme s'est lavée.

     

    Dans la fraîcheur du jour,

    Frimousse, frimousette,

    Dans la fraîcheur du jour,

    Mon âme a espéré.

     

    Elle a couru bien vite

    Grisette, la civette,

    Elle a couru bien vite,

    Mon âme dans la rosée.

     

    Et dans le pré mouillé,

    Mon âme chatte-reine,

    Et dans le pré mouillé,

    La minette a chassé.

     

    A vu la libellule,

    Mon âme chatte-belle

    A vu la libellule,

    Mon âme l'a croquée.

     

    A vu le mulot gris,

    Mon âme douce et rousse,

    A vu le mulot gris,

    La chatte l'a griffé.

     

    Les toiles d'araignée,

    Caline, calinette,

    Les toiles d'araignée,

    Bien tôt les eut froissées.

     

    A vu la feuille sèche,

    Mon âme ronronnette,

    A vu la feuille sèche,

    Mon âme l'a brisée.

     

    A vu le nénuphar,

    Nage, mon âme, nage,

    A vu le nénuphar,

    Mon âme s'est noyée.

     

     

    VENDREDI 09 JUILLET 2010, A 17:04
    LA GARRIGUE EN CORSE
     

     

    Connais-tu la Corse ?

    Mer ? Montagne ? Soleil ?

    Ile de beauté ?

     

    La bien-aimée s'extasie à la lumière

    Et fait chanter les cigales.

     

    Moi, je te parle de garrigue.

     

    Garrigues à germandrées poilues,

    Garrigues tomillares dominées par le thym,

    Garrigues d'immortelles

    Accrochées aux cailloutis brûlants :

    Je chante votre courage.

     

    J'ai marché sur les calcaires

    Où pend la thymélée hirsute

    Des garrigues à passerine.

     

    Je me suis tordu les pieds

    Dans les garrigues à genévrier,

    Ouvertes sur les parfums d'Orient.

     

    Ecoute, écoute la voix des garrigues à euphorbes

    Tapies en coussinets épais :

    Tu entendras la mer en fête.

     

    Oui, je parle de garrigues,

    Et des senteurs ivres de soleil

    Ensorcellent mes cheveux tordus par la vague

    Et séchés par le vent.

     

    Je me fais sirène- oiseau pour plonger

    Dans la vague mousseuse

    Ou mon corps se libère,

     

    Et je m'envole sur les pentes chaudes et cuivrées

    Ou vit la marjolaine,

    Fredonnant la chanson.

     

    Mes pieds ne sont pas sûrs

    Dans les sentiers de hasard,

    Et j'accroche mes jambes nues

    Aux piques acérées des végétations folles.

     

    Feuilles sorcières qui brûlent et lacèrent la main,

    Fausses fleurs préparées dès l'automne,

    Plantes succulentes aux noms évocateurs :

    Perce-pierre sur les côtes,

    Nombril de Vénus agrippé aux vieux murs.

     

    Plantes voyageuses, enracinées dans la chaleur d'été :

    Figuier venant de Barbarie, agave d'Amérique,

    Figue marine du sud africain,

     

    Je vous suis dans vos périgées hasardeux,

    Je vous envie vos racines libérées,

    Vos promenades sur les airs et les vents.

     

    Les garrigues sont des prodiges de la vie,

    Des prodiges d'astuce, de malice et de courage,

    Des prodiges qu'il faudrait aduler.

     

    Prodiges de l'imagination de cette flore

    Et de ses feuilles en écailles,

    Ses feuilles en aiguilles,

    Ses très petites feuilles,

    Ses feuilles coriaces,

    Ses feuilles persistantes,

    Ses plantes ligneuses,

    Ses plantes aqueuses,

    Les arbustes épineux,

    Les coussins de verdure,

     

    Tous, toutes ont trouvé le bon salut,

    La voix royale, l'éternité de la reproduction

    Pour faire face à la chaleur de l'été.

     

    Homme, ne brûle plus,

    Homme, ne construis plus,

    Homme, oublie l'homme.

     

    Admire, oui, admire avec moi les garrigues,

    Les garrigues courageuses, inventives, fragiles,

    Et pleure quand elles sont ravagées.

     

    Regarde une fois encore

    Les immortelles jamais fanées,

    Les liserons volubiles,

     

    Les arbouses fades,

    Les bruyères de cinq mètres

    Et les myrtes bibliques.

     

    J'étouffe de bonheur et de chaleur

    Dans ces garrigues de lumière et de feu,

    Et j'aperçois au loin la mer

    Ouverte sur le golfe de Valinco

    Où j'ai passé mes jours d'été.

     

     

     

    VENDREDI 09 JUILLET 2010, A 16:08
    MONUMENT AUX MORTS D'UN VILLAGE BRETON
     

     

    Il y a dans le jardin

    Un p'tit landau charmant,

    Des brassières vont séchant

    Su'fil à linge branlant.

     

    Eliaz n'est pas au loin,

    Il est mort à Verdun.

               ------

     

    Dans le jardin mouillé

    Un p'tit vélo rouillé.

    Dans le jardin chantant,

    Un p'tit camion d'fer blanc.

     

    Yves est parti un biau matin,

    Mais pour mourir à Verdun.

                ----------

     

    Il y a dans le jardin

    Un arrosoir d'enfant.

    Il y a dans le lavoir

    Un petit canard blanc.

     

    Merlin n's'ra pas marin,

    L'est ben mort à Verdun.

         ------------

     

    Il y a dans le boudoir

    Un bureau d'écolier,

    Une plume a séché

    Dans l'encrier cassé.

     

    Brizh plus jamais n'écrira,

    Brizh est mort au combat.

           -------------

     

    Il y a dans le jardin

    Un grand fauteuil d'osier,

    Un canotier percé

    Tombé dans les rosiers.

     

    Brieuc n'est pas marié,

    S'est juste fiancé.

              ----------

     

    Il y a au cimetière

    Cent mille cris de colère.

    Des fronts pour les démons,

    Du sang pour la nation.

     

    Des noms et des prénoms

    Pour une génération.

          -----------------

     

    Sur la place du village

    Un monument gravé :

    Cent noms qu'on a jetés

    A la postérité.

     

    N'ont eu que leur enfance,

    Sont tous morts pour la France.

     

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