• La lumière des vitraux

    Je suis né dans le feu,

    Le feu ardent qui mêle en grondant

    Sable et cendre de bois,

    Sable et cendre de fougère,

    Sable et cendre de hêtre ;

    Je suis né de la salicorne brune

    Qui pousse au bord mouvant des océans.

     

    Je suis né dans le feu qui met en fusion

    La potasse, la soude, la silice,

    Et les dangereux oxydes métalliques

    Qui me donnent couleur :

    Le cobalt pour le bleu des vierges,

    Le cuivre pour le vert et le rouge des évêques

    Dont le doigt ganté montre les cieux entr’ouverts.

    Le jaune glorieux de l’antimoine

    Auréole les saints aux yeux démesurés,

    Ou désigne les traîtres dont le regard s’enfuit.

     

    Je suis né du sable léger

    Qui glisse entre les doigts,

    Je suis né de la cendre poussiéreuse

    Qui vole au moindre vent :

    Tant de fragilité pour tant de splendeur,

    Pour l’orgueil des puissants

    Ou la gloire de Dieu.

     

    De grandes lueurs accompagnent les saints 

    Dont la vérité se perd avec les légendes :

    Ils sourient sous le fer du bourreau,

    Marchent pieds nus sur des charbons ardents,

    Chantant des hymnes pieux.

    Ils soulèvent des tempêtes,

    Ils apprivoisent les loups,

    Leur corps en extase se lève à deux coudées du sol.

     

    Torturés, les membres rompus,

    Ils rendent grâce

    Du bonheur d’être parmi les élus.

    Il y a des bergères et des princes,

    Des soldats romains et des moines exsangues.

    Leur nombre est infini

    Et couvre le firmament ;

    Un perpétuel miracle les protège :

    Ils triomphent de la mort et de Satan

    Dans la lumière divine des vitraux

    Dont la clarté relie la terre au ciel.

     

    Je suis création fragile mais éternelle,

    Née de cendre et de sable ;

    Il faut veiller sur la moindre de mes fissures,

    Surveiller l’ossature de mes plombs,

    Me couver comme un malade alité

    Et parfois, m’ôter du lieu sacré

    Pour des soins intensifs en ateliers.

     

    Les pluies acides de ce siècle

    Ont attaqué mon verre qui se corrode

    Et, par une ironie bien triste,

    Si l’indifférence des hommes me laisse à l’abandon,

    Je redeviens ce que j’étais :

    Du sable qui s’effrite entre les doigts. 


  • Commentaires

    1
    Pigment
    Jeudi 22 Novembre 2012 à 13:48

    Du sable qui s’effrite entre les doigts, avant de redevenir un jour du pigment qui servira à peindre une œuvre inoubliable !
      • Genecomte Profil de Genecomte
        Jeudi 22 Novembre 2012 à 19:52
        La conclusion bien triste du poème reflète pourtant la réalité: à cause des divers polluants, le verre perd sa consistance solide et redevient ce qu'il était: du sable. Et nous? un peu de poussière?
      • Genecomte Profil de Genecomte
        Jeudi 22 Novembre 2012 à 19:53
      • Genecomte Profil de Genecomte
        Jeudi 22 Novembre 2012 à 19:55
        La conclusion du poème est triste réalité: à cause des polluants, le verre perd sa solidité et redevient sable. Et nous? un peu de poussière?
    2
    Grald
    Samedi 24 Novembre 2012 à 11:19
    Bonjour, je trouve ton poème extraordinaire.
    Grald
    3
    gene
    Samedi 24 Novembre 2012 à 11:56
    Merci pour ce gentil message! Comment parler des vitraux? Il faut surtout s'en émerveiller!
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