• Saison 2009-12

     

    JEUDI 31 DÉCEMBRE 2009, A 17:22
    DEUXIÈME PRIÈRE POUR LA NOUVELLE ANNÉE
     

     

    Je donnerais beaucoup, Seigneur,

    Et mon chant, et ma voix,

    Pour t'oublier un peu,

    Douter de toi,

    Renoncer à ta présence,

    Etre sûre de ton absence.

    Pour une fois seulement,

    Une heure pour un rire d'ivresse,

    Un cri de désespoir,

    Un dimanche pour célébrer le culte de mon corps :

    Footing et sauna, tennis et cinéma.

    Un mois pour tempêter contre moi-même

    Contre l'enfant, l'ado, le collègue,

    Et les vieillards, et les politicards

    Et tous les autres forcément imparfaits,

    Forcément agaçants

    Qui me renvoient mon imparfaite image

    Une année plutôt, où j'enfourcherai le cheval d'égoïsme

    Cornu et fougueux,

    Les narines fumantes de désirs refoulés. 

    Une décennie encore pour réaliser

    Mes rêves les plus fous.

     

    Je donnerais beaucoup, Seigneur,

    Pour qu'une fois seulement,

    Dans ma vie de mille et un soupirs,

    Vers toi, Seigneur, mille et un sourires,

    Vers toi, Seigneur, un millier de  chansons,

    Vers toi, Seigneur, des millions de  clameurs,

    Vers toi, Seigneur, l'essor de mon âme,

    Portée vers toi, Seigneur, par brise ou par zéphyr,

    Par l'impétueux aquilon,

    Par l'autan desséché,

    Par le mistral qui caracole,

    Par la bise coupante ou le baiser du vent,

    Vers toi, Seigneur, toujours portée au ciel

    Là-haut, trop haut pour moi,

    Trop haut perchée.

    Mon nom même, Seigneur,

    A tes lèvres toujours prononcé,

    Toujours appelé.

     

    Oublie-moi un peu Seigneur,

    Une heure, un jour, un mois peut-être,

    Car ta présence s'impose

    Et lors, s'impose  ma vie.

     

     

     

    JEUDI 31 DÉCEMBRE 2009, A 07:29
    PREMIÈRE PRIÈRE POUR LA NOUVELLE ANNÉE
     

     

    Je suis entré dans le temple, Seigneur, la synagogue et l'église

    Je t'ai parlé, Seigneur, je me suis incliné,

    Je t'ai prié, Seigneur, j'ai psalmodié ton nom trois fois saint.

    J'ai appelé sur moi ta bénédiction, ton regard, ta providence,

    Et toujours, toujours, Seigneur,

    Tu m'as regardé, écouté, répondu.

     

    J'ai cru en ta présence. J'ai cru en mes prières

    Et plus d'une fois, le souffle de ton esprit

    Est descendu en moi,

    Chaleur réconfortante ou langues de feu brûlantes,

    Mais au seuil de cette année,

    Oublie-moi,Seigneur, oublie-moi car tu as trop à faire.

     

    Les martyrs, les saints et les prophètes

    Tu les as beaucoup aimés.

    Vois comme leur vie fut dure,

    Leur destinée cruelle :

    Par le glaive d'Abraham, tu as éprouvé sa fidélité

    Et dépouillé Job qui clamait tes louanges.

     

    Le 31 décembre pose un couvercle sur cette année

    Qui fut acide à mes dents agacées.

    Les pauvres ont encore faim, les esseulés ont soif,

    Les migrants poursuivent leur marche éperdue

    Les mendiants quêtent dans les rues,

    Dans les déserts n'ont pas fleuri les amandiers.

     

    Mille vœux s'échapperont des lèvres cette nuit,

    Des vœux pour ceux qu'on aime et qu'on voudrait heureux.

    Courriel, voix ou papier,

    Tous ces vœux gagneront le ciel comme bulles légères.

    Mon vœu pour moi est simple, unique et désespéré :

    Laisse-moi rêver, Seigneur, au moins le premier janvier

     

     

     

    MARDI 29 DÉCEMBRE 2009, A 22:25
    VIEUX DICTIONNAIRES
     

     

    Vous en craquerez peut-être,

    Pauvres étagères de hêtre,

    Mais vraiment, non, je ne veux jeter aucun livre.

     

    Mes préférés sont les plus vieux et les plus inutiles

    Ceux dont la couverture est arrachée,

    Ceux dont on n'a plus le titre,

    Ceux dont les pages sont détachées.

     

    Je ne jetterai pas une poupée au bras avulsié,

    A la tête brinquebalante

    A l'œil énucléé,

    Je ne jetterai pas non plus mon papier.

                Bigre, t'es démodée !

     

    Mon préféré est un vieux dictionnaire

    J'en ai dix neufs, mais je m'en sers

    Pour le plaisir de feuilleter

    Du papier missel à peine écorné.

     

    Avec des mots qu'on ne dit plus

    Et sans les mots que j'abomine

    Avec des croquis démodés

    Et le passé que j'aveignis.

            Parle verlan !

     

    C'est le poète qui me le dit

    Ou nos républicains de la primaire ?

    Ma fille, prends ton rouet et file

    Ton ordinateur a craché.

    Reprogrammez le logiciel !

     

    On voit dans la campagne sommeillante

    Le bœuf attaché au travail,

    Le sonnailler marche devant l'agneau,

    Le lavandier met ses houseaux.

     

    Le schlitteur descend le lourd sapin,

    Sa femme remplit la huche à pain,

    Le fils pipe l'oiseau de grand matin,

    La fille donne au bourrin son picotin

            Aie, aie, aie, les reins !

     

    Quand les enfants de Marie jettent des roses sur l'ostensoir

    Le porte-dieu est à côté du porte –dais

    Qui suit le porte-croix précédé du porte-crosse

    Car le porte-bannière a préféré le porte-bobèche .

          C.R.S  et pavés ?

     

    Le militaire au shako effrangé suit la rocade stratégique

    Pour aller voir les riz-pain-sel du Mozambique

    Et leur mendier la rocambole authentique

    Avant d'aller coucher dans le pailler.

          Et l'air conditionné ?

     

    Le plumeau de la chambrière à la journée

    Effleure le plumier de l'écrivassier

    Qui trempe sa plume d'acier (sergent-major )

    Dans l'encrier de buis sculpté.

         Zut ! mon imprimante est bloquée !

     

    On traverse la Manche en picoteux,

    On prend les flots sur le sacolève du Levant,

    On gobelotte en phaéton plein de gueuses,

    On use ses godillots en marchant .

         Et vive mon 4-4 !

     

    Le paravent suit la parasolerie

    Où les parapluies abritent une famille entière,

    Le pétrole sert à l'éclairage,

    Les images s'animent au cinématographe.

          Achète un I-pod !

     

    On voit aussi dans mon dico un pied de chèvre épaté

    Et de lourds pieds de biche à la poignée de bois.

    On met les poucettes au prisonnier

    On reçoit les étrennes du bonhomme Janvier !

        C'est une pub ?

     

    L'Algérie est colonie française

    Et je suis de Seine et Oise,

    On cultive l'armoise aux Pays-Bas,

    New York est La Nouvelle Amsterdam.

     

    La Bohème est fière de Prague,

    Les Anglais boudent en Palestine,

    Les Mosellans parlent allemand,

    On vend le riz de Cochinchine.

    Combien de morts inutiles !

     

    On mange les feuilles de roquette,

    Des fèves vertes à la sarriette,

    Du pâté d'alouette pour Guillaumette

    Des raves cuites dans l'aneth .

         Oh !  oh !Mac Donald !

     

    Vieux dictionnaire, tu m'enchantes

    Et  cernes mon front de souvenirs,

    L'or des mots doux et durs que prononce parfois

    Feu mon grand-père dans tes pages bruissantes…

           J'ai vraiment rien pigé !

     

     

     

     

     

     

     

     

    DIMANCHE 27 DÉCEMBRE 2009, A 20:03
    MATIN D’HIVER
     

     

    Quand le matin s'éveille

    J'aime tôt me lever

    Et marcher dans les grandes plaines.

    J'aime voir s'empourprer les bosquets de roseaux

    Et s'embraser de feu sous les jets de soleil.

    L'hiver sans eux est triste de grisaille

    Mais la lumière jaillit

    Et sous la coupole rose de l'air brumeux

    Les matins appuient leur flanc

    Contre les terres rougies.

    Ici, tout semble rouillé comme un fer

    Abandonné aux hasards de la pluie,

    Et le socle immense de la terre

    Défriche inlassablement les heures mêlées

    Mes pas me portent toujours

    Vers l'arche blonde d'une eau passante

    Agenouillée sur les cailloux crémeux.

    Elle envoie chaque instant vers les cieux

    Ses prières mouillées d'espoir.

    Au ras de l'eau,

    Près des vases huileuses frôlées par les tritons

    Les fresques mouchetées d'un courant immobile

    Dessinent des yeux pleins de confiance.

    Puis, quand les heures descendent

    Sur les berges blafardes,

    Les peupliers peignent des songes.

    Et l'onde dénouée se gorge de flocons d'or

    Précipités du ciel en poudroiements perlés,

    Etoiles sans chaleur

    Qui s'endorment

    Lorsque l'aube s'évase.

    Dans la campagne,

    Les chênes pensifs gravement veillent,

    Leur ramure crénelée couverte de feuilles

    Marcescentes convolutées et sèches

    Les jardins endormis

    Attendent pour l'été

    Le concert des rosiers à vif.

    En automne, on a planté

    Près des pivoines aux paupières closes

    Des iris au regard de violet velours

    Qui jailliront en flèches dès le premier soleil .

    Et le romarin bleu refleurira

     Pour enivrer les guêpes brunes,

    Oui, le soleil sèmera sa poudre de mimosa

    Egrenée par les vents tièdes d'avril.

    Les yeux fendus de malice,

    Un lézard parcheminé

    Filera des fils d'or

    Sur une branlante muraille.

    Hélas, je  rêve seulement, quand, vers midi,

    La fourrure moelleuse de cette fin décembre

    Caresse mon visage en oubliant quelques heures

    La morsure détestée de la bise cruelle.

    Je rêve pourtant aux papillons pliés

    Qui en secret s'exercent

    A faire frémir de beauté

    Le petit peuple des insectes.

     

     

    DIMANCHE 27 DÉCEMBRE 2009, A 19:58
    LA NAISSANCE
     

     

    Grâce à quoi je demeure

    Grâce à quoi je survis.

     

    Une aube légère

    Dans un bébé tout neuf

    Grâce à quoi je demeure

    Grâce à quoi je survis.

     

    Un regard malicieux

    Une exigence pleine

    Et des mains potelées

    Qui pétrissent mon cœur.

     

    Grâce à quoi j'aime enfin

    Grâce à quoi je vieillis

    Une aube légère

    Et un regard nouveau.

     

    Car j'ai donné naissance

    Et j ai donné la vie

    Plus le droit )à présent

    De dormir.

     

    Grâce à quoi je demeure

    Grâce à quoi je survis.

     

     

    DIMANCHE 27 DÉCEMBRE 2009, A 10:47
    VIRELAI DU TEMPS JADIS
     

     

    Au temps que toute chose est gaie

    Vire chante, virelai

    Au temps que toute chose est gaie

    De la rosée des champs

    Ma lèvre a tout goûté,

    De la rosée des champs

    A la grande marée.

     

    Lors vint à ma bouche

    Chanson qu'ainsi j'écris

    Lors vint aussi à mon cœur

    Paroles claires de mon bonheur.

    L'hiver qui pèse nuit et jour

    Ce que c'est que décembre qui dure

    Sans cesser d'aller, sans séjour,

    Sans se laisser prendre cassure

    L'hiver m'a devancée.

     

    Mon âme encore ensoleillée

    Voit la blanc neige, voit le chagrin,

    Et tant de joie en elle est fière

    Que mon regard en est serein

    Vœu donc ferai pour terre entière

    Où hommes sont comme rameaux,

    Au printemps ils se délectent

    Et que la sève les humecte

    Pour que verts et fleuris

    Vivent tous et chacun depuis,

    Et soit en eux le Paradis...

     

     

    MARDI 08 DÉCEMBRE 2009, A 14:57
    MENDICITÉ
     

     

    T'as pas cent balles?

    C'est pour brouter

    Sur l'beau gazon de l'Evêché.

     

    T'as pas cent ronds

    Pour écouter

    Tous les flonflons de l'orphéon?

     

    T'as pas cent thunes

    C'est pour buller

    Sous les soleils  de l'Elysée?

     

    T'as pas cent sous

    C'est pour chanter

    Mon pauv'copain qu'est sidayé?

     

    T'as pas d'l'oseille?

    C'est pour l'appel

    D'une jolie fille su'mail

     

    T'as pas d'galette

    Pour jouer les riches

    Au grand hôtel?

     

    Si t'as l'grisbi , t'as des amis

    On ira boire

    Au Paradis.

     

    Donne des quibus

    J'prends l'autobus!

    Pour le taxi, faut trop d'radis!

     

     

    T'as une minute

    Qu'on boive un pot,

    Qu'on s'dise un mot, même en argot?

     

    Y'a plus d'écus

    Y'a plus d'pétrole

    Y'a des euros, moi, c'est zéro!

     

     

     

     

     

     

     

    MARDI 08 DÉCEMBRE 2009, A 00:11
    A TOUTES LES FEMMES EXILÉES PAR LA MISÈRE OU LA GUERRE
     

     

    Exode des femmes

    Pliées de peur, de honte et de chagrin,

    Je ne suis plus qu'une feuille abîmée ;

    Je me dessèche sur la terre glaciale ou brûlante,

    Accroupie pour des prières muettes et sans dieu.

    Je suis un cocon mort replié sur un cœur figé

    Et mes ailes flétries ne voleront jamais.

    J'ai bu de l'eau croupie

    Tiédissant dans un fossé de bord de route

    Et je n'ai vu ni le ciel bleu

    Ni l'or de l'Orient rompant le grand silence

    Ni la pluie étoilée claquant sur le pavé

    Ni la terre enneigée attendant le printemps

    Ni les avions d'argent glissant dans les nuages.

    Sèche et nue, et seule et vidée de larmes ;

    Feuille tombée de l'arbre bouillant de sève,

    Quand Dieu jeta du Paradis,

    Eve ma sœur douloureuse,

    Eve ma mère humiliée,

    Eve ma fille souillée,

    Eve ma bien-aimée privée de lumière,

    De mots, de justice.

    O douleur des femmes aux entrailles déchirées

    Proies de l'ogre affamé,

    Proies des Eglises saintes et muettes,

    Proies des bébés haineux et dévorants,

    Vous et vos pères majestueux,

    Vous et vos fiers maris

    Caressant vos cheveux dénoués

    En murmurant des mots d'amour

    Qui bleuissent leurs lèvres

    Et brisent votre crâne,

    Qu'avez-vous donc appris en traversant les siècles ?

    Femmes aux paumes calleuses,

    Femmes aux doigts noués,

    Femmes aux dents éclatées

    Par les paroles de haine,

    Par les vipères sifflantes qui nouent votre parole,

    Femmes aux épaules sèches

    Que nul bras n'a protégées

    Femmes, mes sœurs aux lèvres cousues,

    Femmes, mes sœurs cachées,

    Mes sœurs de misère,

    Mes sœurs d'injustice,

    Mes sœurs pitoyables,

    Vous qui cherchez dans la poussière et le sable et la glace

    Le bois pour vous chauffer,

    Le grain pour vous nourrir, la miette, l'eau,

    Vous qui offrez vos mains à vos fils désarmés,

    Vous qui suintez les larmes, le lait, le sang,

    Vous toutes mes sœurs divines,

    Chantez, chantez, chantez

    Vos Requiem in pace.


     



     

     


    MERCREDI 02 DÉCEMBRE 2009, A 15:15
    STRING ET BURKA
     

     

    Et pour cacher sa nudité

    Elle avait mis sur son petit devant

    Un triangle de soie trop étroit.

    Elle avait mis sur son petit derrière

    Un cordon de ficelle dorée

    Mais pour cacher sa nudité

    Ce n'était pas assez.

     

    Elle avait mis alors

    Sur ses petits vallons bien ronds

    Une culotte à fleurs en coton très serré

    Qui cachait son petit devant

    Qui cachait son petit derrière

    Mais pour cacher sa nudité

    Ce n'était pas assez, le pantalon fut demandé.

     

    Pour se baigner dans les flots

    Un petit haut à balconnet

    Un petit bas sous le nombril

    Mais pour cacher sa nudité

    La blancheur de sa gorge

    Et sa jambe galbée

    Ce n'était pas assez, elle se baigna toute habillée.

     

    Pour marcher dans les rues de Kaboul

    Pour marcher dans les rues de Paris, d'Istanbul

    Elle avait mis sous ses genoux

    L'ourlet de sa jupe évasée

    Mais pas de collant gris.

    C'était loin d'être assez

    Elle a reçu cinquante coups de fouet.

     

    Pour aller au marché

    Elle avait caché ses cheveux de feu

    D'un joli foulard bien noué

    Ce n'était pas assez

    Et pour cacher sa nudité

    Il fallut mettre aussi

    La longue robe noire sur ses souliers de fée.

     

    Et pour cacher sa nudité

    Pour éviter les regards appuyés

    Elle partit grillagée, verrouillée, enterrée

    De la tête jusqu'aux pieds, la burka s'imposa.

    De noire toute vêtue

    Juste un fantôme dans les rues

    Qui la verrait pleurer ?

     


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