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Saison 2011-03
VENDREDI 18 MARS 2011, A 11:43 JAPON Le poète inscrit la création du monde
Dans la main de Dieu :
Il chante les psaumes et les louanges,
Il reconnaît les prophètes
Et leur prête son verbe et sa plume.
Le poète chante la gloire des héros,
Il porte les drapeaux des luttes et des causes ;
Il dénonce les fléaux, les guerres, les génocides ;
Il peint avec des larmes d'encre les déluges
Qui recouvrent les pâtures et les feux qui brûlent les cieux.
Le poète chante la ballade des pendus :
Il demande la grâce des condamnés ;
Le poète dévoile, dénonce, accuse
Et prône l'exil quand le tyran s'assied
Sur un trône de plomb.
Le poète ferme les yeux des enfants
Et pleure avec la mère désespérée.
Le poète caresse les mains abîmées
Et sauve de l'oubli ou de la folie
Les prisonniers politiques isolés.
Pour faire entendre sa voix ,
Le poète prend les mots et les envoie de par le monde
Chargés de sens, d'émotion, d'humanité.
Qui suis-je pour oser prendre des mots ?
Qui suis-je pour oser ce titre qui nous déchire ?
Le poète s'appelle Bouddha, Sénèque, Gandhi,
Tagore, Rilke, Martin Gray,
Le poète s'appelle Mère Teresa de Calcutta,
Le poète s'appelle Saint-Mathieu, Sénèque,
Jean de Meung, Frère Roger,Victor Hugo.
Qui chantera aujourd'hui
La splendeur du mont Fudji
Coiffé de neige immaculée ?
Qui chantera en avril prochain
Les cerisiers fleuris ?
Quelle fleur remplacera le chrysanthème
Aux seize pétales fanés ?
Et quand verra-t-on danser
Les petits bateaux dans les anses abritées
Mais à présent dévastées ?
Qui pêchera le cœur léger
L'éperlan du lac Yamanakako ?
Qui goûtera sans peur
Les mandarines, les poires et les raisins ?
Qui pourra admirer sans frémir
Les rizières étagées où mûrira le grain empoisonné ?
Qui viendra applaudir les marionnettes Bunraku
Et rire des facéties du théâtre Kabuki ?
Leurs tissus chamarrés et leurs décors somptueux
Feront-ils oublier pour quelques précieuses minutes
Cette marée de bois, de voitures, de maisons,
De corps gonflés ?
Remerciera-t-on encore, les mains jointes ?
Les Bouddhas de bois peint au visage hiératique ?
Viendra-t-on plier le genou à Nara ?
Le temple du divorce de Tokeiji
Deviendra-t-il le temple d' inconsolables veuves ?
Les eaux bouillonnantes de la grande vallée
Effaceront-elles de leur vapeur sulfurée
Les blessures infligées et la maladie tentaculaire ?
Quelle nouvelle divinité aura assez de puissance
Pour être priée lors de l'ouverture d'un chantier ?
En juillet, qui allumera le cœur réjoui
Les milliers de lanternes du lac d'Ashi ?
Les enfants sauront-ils ouvrir des yeux émerveillés
Quand défilera la procession des seigneurs féodaux
Et de leurs vassaux ?
Qui pourra se baigner dans le lac Chuzenji
Bordé de bois touffus sans craindre pour sa vie ?
Fera-t-on encore la fête dans les sanctuaires Shinto
Pour fêter le jour de l'an 2012 ?
Qui chantera sans pleurer l'hymne national japonais ?
Kimi ga yo wa
Chiyo ni yachiyo ni
Sazare ishi no
Iwao to nari te
Koke no musu made.
Que ton règne heureux dure dix mille ans
Règne, Seigneur, jusqu'à ce que les pierres
Unies pas l'âge se transforment en rochers puissants
Dont les flancs vénérables se couvriront de mousses.
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Les yeux fermés sur ton attente,
Quand tu m'attendras sur le quai,
Les mains serrées sur ton espoir,
Il n'y aura autour de toi
Que des ombres mouvantes et silencieuses.
Avant même que les portes ne s'ouvrent,
Mon ombre sera déjà là,
Une ombre penchée vers toi
Qui te prendra le bras sans te parler,
Une ombre douce et silencieuse,
Où mon visage te sourira.
Et puis, nous partirons dans la nuit fraternelle,
Emus et maladroits, on marchera sur le pavé luisant
Sans voir les autres passants.
Sur le seuil mouillé de larmes et de pluie,
Longtemps, on se parlera,
Intimidés devant la porte ouverte…
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