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Et moi, qu'aurais-je fait ?
C'est une question de mon enfance,
La grande question de mon adolescence,
L'éternelle question de mon présent vieillissant :
Et moi, qu'aurais-je fait ?
Je suis née après guerre,
Je n'ai jamais vu de combat,
Mais de livres en films,
De témoignages en débats,
J'ai fini par reconnaître
Jusqu'au bruit terrifiant des snipers
Et des avions bombardiers.
Et moi, qu'aurais-je fait ?
Aurais-je enfourché mon vélo
Pour porter au péril de ma vie
Des lettres interdites ?
Aurais-je vendu au prix fort
Le beurre et le lait des petits ?
C'est une question qui me taraude encore :
Et moi, qu'aurais-je fait en ces jours
De peur, de doute et de courage ?
Aurais-je caché le parachutiste
Ou volé sa solide toile
Pour y coudre de bonnes chemises ?
Aurais-je mis dans la rue
L'enfant pourchassé
En lui disant de se sauver ?
Aurais-je ainsi refermé ma porte,
L'esprit apaisé?
Aurais-je imprimé des affiches
Montrant le poing levé?
C'est une question inutile,
Une question pourtant primordiale
Quand on se permet de juger :
Il n'y a pas de réponse ;
Résistante, collabo, indifférente ?
Aurais-je pleuré après guerre
Et la tête tondue
L'Allemand aux cheveux de fée
Qui m'enlaçait et me consolait,
Lui qui avait tant d'amour
Et mourut en Normandie le D-Day ?
Qui peut dire où va le vent
Quand tourne la terre,
Quand valsent les continents ?
La poésie de Geneviève.
6 juin 2014
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Le Limousin sous la pluie
C'est double punition
De marcher sous la pluie,
Sur d' interminables chemins
Et les routes du Limousin.
Il y a sans doute, quelque part,
Un merveilleux paysage,
Et quelque part, sans doute,
Des maisonnettes aux balcons de bois,
Des tourelles de pierre , des clédiers accroupis.
.C'est double punition :
Mon capuchon trempé,
Comme des oeillères bovines plastifiées,
Oriente mon regard
Sur la beauté de mes chaussures mouillées.
Avec moult précautions,
Je choisis la boue la moins profonde
Et l'herbe du talus
Où mon pied peut glisser :
J'ai cent ans, ne pensant qu'à mon pas
Tremblant et hésitant...
Les cheveux collés sur mon front abruti,
Je ne réfléchis plus sur le trajet
Car l'étape est trop longue
Sous les capes douchées.
Si trois voitures passent
En giclant méchamment,
C'est double punition,
Quand les gouttes s'espacent
Et qu'on rêve au printemps.
D'un pas plus lent encore,
Je subis claques de pluie
Et gifles de vent,
Et mes pensées chavirent
Vers le feu qui m'attend.
La poésie de Geneviève.
29 Mai 2014
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Dans mes poèmes ne broutent plus
Les bœufs placides dans les bocages...
Plus de grinçantes charrettes,
Ni forgerons, ni soubrettes, ni paysans.
Le berger ne chante plus
Le nom de sa brebis perdue.
Nulle abeille sur les fleurs anodines
Des parterres étranglés.
Encore quelques lilas épars
Taillés avec sévérité
Dans les jardins exsangues,
Encore quelques rosiers étiques
Couchés sur le bord des trottoirs.
Le béton pleure des larmes noires
Pour que pleurent les enfants
Qui ne jouent plus dans les petits chemins.
On n'ouvre pas les fenêtres
Pour faire entrer le soleil
Car les alarmes veillent
Sur les volets bien clos.
Les vers-luisants ont éteint leur chandelle,
Découragés par les puissants néons.
Ni rêveries dans les étoiles,
Ni chimères portées par le vent...
Les blés lourds de la Brie sont vendus à l'encan
Pour nourrir de grisaille les bouches vides
Des promoteurs affamés.
Il ne résonnera plus le cor au fond des bois,
Ni le fifre joyeux,
Ni la viole de gambe :
Les moteurs fous ronronnent sur les routes livides.
Se mirent dans les flaques
Les carrosseries hâtives
Qui ne vont nulle part...
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Un jour,
Je partirai caresser d’un regard paisible
Les anges de marbre aux ailes alourdies
Qui veillent sur la belle Agnès, endormie
Dans sa prison de pierre blanche.
Devant ses cheveux couronnés et perlés,
Devant le doux visage que nulle ombre ne voile,
Devant le front bombé, jeune et lisse,
Mélancolique et pensive,
Je dirai à son oreille ourlée :
Agnès adulée pour toujours, dites-moi :
Où donc trouver l’amour ?
Mes doigts s’arrêteront tout étonnés
Sur les moutons bouclés qui veillent à ses pieds,
N’ayant besoin d’aucun autre pacage.
Je demanderai à ces sphinx accoudés :
Dites-moi, vous qui semblez la protéger :
Où donc trouver la paix ?
Devant les longues jambes
Pour toujours sages et figées,
Ces jambes qui , pourtant, ont tant dansé
A la lueur des candélabres,
Je demanderai dans l’ombre des voûtes sombres ,
A voix basse et plaintive, dites-moi donc, la belle,
Où est l’éternité ?
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J’attends
Chaque année revient, se niche et me lasse
Un hiver éternel et têtu
Avec ses pluies obstinées et tenaces,
Ses averses rageuses et frénétiques,
Ou des journées froides et blanches
Cassant les arbres givrés où pleurent les oiseaux.
Chaque année revient, se terre et s’installe
Un hiver haletant et venteux.
J’attends de longs mois solitaires
Un message insolite qui me fera sourire,
Une visite inopinée autour d’un thé ambré
Où danse une fumée.
Je guette une improbable éclaircie
Qui ouvrirait au jardin les bourgeons turgescents,
Les jonquilles précoces, mon camélia délicat,
La violette sucrée dans l’ombre des sarments.
J’attends le frôlement de soie des bourdons endormis
Qui me diront enfin que l’hiver est fini.
La poésie de Geneviève. Février 2014
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