• Au premier mai, tireli-tirela,

    Dans les rues de Lyon, de Paris,

    Des gens marchaient, des gens manifestaient,

    Des gens défilaient, hurlaient :

    C’est coutume jolie

    Au premier mai fleuri :

    La gauche,

    Et la gauche de la gauche,

    Les poings levés,

    Et la droite très droite,

    Tenant bien haut des drapeaux tricolores,

    Et, à gauche de la droite,

    S’avançaient, bonasses, les modérés pondérés ;

    Venaient disciplinés les cégétistes barbus,

    Et, à gauche de la petite gauche,

    Les effos enflammés de bannières dansantes.

     Tous criaient, brandissant des slogans,

    Passant bruyamment comme des wagons de marchandises :

    Patati, patata, patati, patata.

     

    Et je ne comprenais rien,

    Rien de rien.

     

    Mais ce soir, ce soir,

    Dans mon jardin parfumé de giroflées,

    J’ai entendu chanter

    Le premier rossignol.

     

    J’avais ouvert ma télé pour suivre les débats télévisés :

    Les umepés baragouinaient,

    Coupés par les mélanchoniens

    Qui n’écoutaient pas les marinettes,

    Et tous s’interpellaient,

    Patati, patata, patati, patata…

    Non, Monsieur !

    Et moi, Madame !

    Et le journaliste débordé disait timidement :

    S’il vous plaît, laissez- le parler …

     

    Mais le beau parleur épuisait son discours

    Sur les ondes court-cicuitées

    Par les paroles enchevêtrées ;

    Et le journaliste disait :

    S’il vous plaît, s’il vous plaît,

    Les auditeurs ne comprendront rien,

    Ecoutez les réponses, au moins !

     

    Et moi, l’esprit obscurci de toutes ces parlottes,

    Je ne comprenais rien, rien de rien.

     

    J’ai donc pris ma télé-commande,

    Et, souveraine, j’ai bouclé le débat : clac !

     

    Je suis sortie dans mon petit jardin

    Tout odorant des pluies printanières,

    J’ai écouté, étonnée et ravie,

    Le premier rossignol chantant sur le pommier fleuri.

     

    J’ai tout compris, tout compris…

     

      


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  •  

     

     Pauvre Petit Poucet 

     

    Qui a perdu ses petits cailloux,

    Ses petits cailloux blancs

    Semés pour habiter chez Papa-Maman!

     

    Petit Poucet, plus petit que mon pouce,

    Tu es perdu dans la grande forêt,

    Tu traînes ta peine et tes secrets

    Avec tes frères abandonnés.

     

    La loi a enterré tes cailloux blancs,

    Elle les a implantés profondément:

    Tu ne trouveras plus le chemin

    Pour revenir chez Papa-Maman.

     

    Petit Poucet, tu peux verser des larmes grises

    En courant dans l'ombre des bois:

    Au bout du grand chemin sombre,

    L'ogre méchant te mangera.


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  • Hou ! Hou !

     Quand j’étais petite,

    J’avais peur du loup,

    Du vilain loup gris

    Aux yeux brillant dans la nuit,

    Aux dents acérées

    Qui croquent à grand bruit

    Petits enfants et tendres mamies.

     

    Quand j’étais petite,

    J’avais peur du coq,

    Du coq à la crête rouge

    Dansant comme une flamme saoule,

    Un coq me poursuivant

    De ses pattes écailleuses et cornées,

    Un coq criard et borné.

     

    Quand j’étais petite,

    J’avais peur du soir,

    Et, bien sûr, j’avais peur du noir.

    Dès la porte close

    Entraient les rêves sombres

    Et les chimères de l’ombre

    M’engloutissaient.

     

    Quand j’étais petite,

    J’avais un livre d’Histoire :

    J’avais peur des guerres,

    Des Maures aux coutelas courbés,

    Des Attilas échevelés,

    De tomber sous les balles

    Ou de mourir de faim

    Cachée dans des caves voûtées.

     

    J’avais peur dans les églises vides

    Des Christs qui descendraient de la croix,

    Des Saints qui voudraient me parler

    De martyre et de sainteté.

    J’avais peur de l’ostensoir doré

    Dont l’œil unique

     Me regardait pour me peser.

     

    Et puis ces peurs se sont envolées

    Avec les centimètres et les années.

    Par quoi les remplacer

    Si ce n’est par la vérité ?

    Plus inquiétante et plus soudaine,

    Ennuyeuse ou lugubre,

    Elle peut encore me faire trembler…

     

      


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  • Quand, vingt-neuf fois dans le ciel de Chypre,

    La lune eut rempli son disque lumineux,

    Pygmalion jeta un regard glacé sur Galatée.

    Un à un, il lui ôta des doigts,

    Nés sous son burin habile,

    Les diamants et les jaspes ;

    Un à un, il ôta les anneaux légers

    De ses oreilles douces.

    De son cou à la blancheur de neige,

    Pygmalion détacha les lourds colliers de jade

    Et les précieuses chaînes dont l’or scintillait.

     

    Il déchira les tissus moirés

    Qui ondulaient sur le corps inanimé de la reine déchue.

    Dans le coffret d’ébène,

    Il enferma les cadeaux jadis offerts

    Avec amour et dévotion

    A sa bien-aimée Galatée

    Jadis aimée avec passion :

    Fleurs aux pétales colorées,

    Petits oiseaux légers,

    Balles nuancées, larmes d’ambre,

    Coquillages irisés.

     

    Depuis longtemps déjà,

    Le corps doux et parfait de Galatée

    Ne connaissait plus les regards caressants.

    Depuis longtemps déjà,

    Ses lèvres avaient oublié les baisers ardents,

    Et Vénus pleurait malgré l’offrande

    De blanches génisses aux cornes recourbées.

    Nulle main ne réchauffait de Galatée

    La chair tiède et fragile,

    Qui devenait froide et sèche

    Sans l’étreinte lascive

     

     Pygmalion, dans son canapé chaque soir un peu plus affalé,

    Se reposait le journal à la main,

    Ou, devant l’écran intarissable,

    Ne voyait que son verre, attendait son repas.

     Peu à peu, de l’ex bien-aimée,

    Les traits du visage s’affaissent,

    Elle n’est pas morte encore,

    Mais son regard est vide.

    Elle se tient dans un coin de la pièce,

    Debout, abandonnée, figée sur son destin :

    Elle redevient statue dont l’ivoire s’écaille.

     

     

     

      


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  • Que t’importe

    Le livre fermé,

    La télé silencieuse,

    Ou le portable éteint ?

     

    Que t’importe

    L’acariâtre voisin,

    L’ami taciturne,

    L’employé peu malin ?

     

    Que t’importent donc tant

    Les broutilles chagrines,

    Les soucis passagers,

    Les chicanes enfantines ?

     

    Que t’importe, 

    Si, pour toi, chaque matin,

    Le soleil s’ouvre comme une rose

    En déployant secret et parfum ?

     

    Que t’importe,

    Si ton cœur bat d’un rythme régulier,

    Si ta parole est sage

    Et ta mémoire fidèle,

    Si tu souris à de nouveaux visages,

    Et si, malgré ton âge,

    Ton pas t’emporte

    Encore, encore un peu plus loin ?

     

      


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