• -Frère, mon beau seigneur,

    Puisse Dieu en ce jour nouveau vous honorer !

     

    -Avec les chants des anges, frère Odulon,

    Pour votre politesse, soyez loué !

     

    -Beau sire, vous me flattez,

    Jamais en si gentil salut, je ne fus salué.

    Que Dieu vous bénisse, messire,

    En ce beau jour d'été ! 

     

    -En grande loyauté,

    Je vous aime,Odulon,

    Autant que notre mère vous aime !

     

    -Aussi beau que soleil de l'aube,

    Frère Hurion, vous éclairez ma journée,

    Et je serais félon

    Si je méconnaissais votre courage et votre dignité !

     

    -Mon bon seigneur,

    Par moi, ne soyez jamais irrité :

    Voulez-vous que demain,

    Nous cheminions ensemble ?

    A cheval, dans les prés verdoyants sur la vallée,

    En bonne compagnie pourrons chasser :

    Descendons de nos fières forteresses,

    Vous de Girsberg le château,

    Et moi du fort de Saint-Ulrich.

     

    -Bel ami, que le plus matinal de nous deux,

    D'un trait d'arbalète fiché dans le volet

    Eveille celui qui dort

    Derrière le volet clos

    De la chambre assombrie.

     

    -Frère, mon bel ami,

    Avec l'aide du Dieu vivant

    Et les trompes des anges,

    Je vous éveillerai le premier,

    N'attendant ni la cloche sonore,

    Ni le coq à l'ergot dressé.

     

    -Comte, vous voulez rire, je crois,

    Rire ou bien plaisanter !

    De Saint-Ulrich au château de Girsberg,

    Ma flèche sitôt cochée

    Dans le bois de votre volet clos

    Vous sortira du songe

    Où vous aimez vous prélasser !

     

    Le lendemain,

    Déjà vêtus du mantelé broché,

    Sur leurs épaules rondes et musclées,

    Les deux frères tout ensemble

    Ouvrirent leurs deux fenêtres,

    Et, d'un château à l'autre,

    La flèche rapide de l'agile Hurion

    Atteignit Odulon en plein cœur,

    Rougissant de sang pur

    L'olifan d'ivoire blanc

    Qui onc ne chanta plus.

     

    Odulon n'a senti ni peur, ni souffrance :

    Il tombe en pâmoison,

    Ses yeux pâlissent et se ferment,

    Il est mort à l'instant.

     

    -O, mon frère bien-aimé,

    Toi, vaillant chevalier preux et courtois,

    Sache que de la terre au ciel,

    Il n'y aura plus pour moi de jour en repos :

    J'ai perdu mon frère, mon ami,

    Je ne peux que gémir et pleurer !

     

    Il s' arrache à poignées les cheveux,

    Il crie sa grande peine,

    Il bat sa coulpe,

    Demande à Dieu merci…

    Hurion ne saurait assez

    Sur lui-même se venger,

    Meurtrier de son frère,

    Dans l'heure, sans confession et sans pardon,

    Il en meurt de chagrin…

     

    Père et Mère, pleurez le beau lignage,

    Pleurez sur vos deux fils,

    A grande douleur qui ne guérira pas.

    Frappez votre poitrine offerte,

    Et que Dieu vous protège,

    Et que les saints du Paradis

    Vous tendent les bras…

     

    Il n'y a plus de comtes à Ribeaupierre :

    Et ne restent à présent

    Sur les pitons escarpés des Vosges sombres

    Dressés comme des poings vengeurs

    Au-dessus de Ribeauvillé,

    Que des ruines de mur et un donjon carré

    Où souffle la complainte cruelle et éternelle

    Des deux frères qui s'aimaient tant d'amitié


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    Je n'aime pas

    Quand je rentre chez moi

    Trouver la maison vide,

    La maison vide et froide.

     

    Juste un chat qui ronronne,

    Une mouche importune,

    Un meuble poussiéreux,

    Des factures à payer.

     

    Je n'aime pas

    Quand je reviens chez moi,

    Trouver les herbes hautes

    Dévorant mes rosiers.

     

    Juste un moineau qui chante,

    Une abeille occupée,

    Des liserons fleuris,

    Le mûrier desséché.

     

    Pour revenir le soir

    Dans ma maison tranquille,

    Je veux une lumière

    Au-dessus de l'évier,

     

    Et dans le creux du lit,

    Pour bien fermer les yeux,

    L'amoureux attendri

    Qui me prend dans ses bras.


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    DIMANCHE 01 JUILLET 2012, A 20:59
    LE PHARE DE CORDOUAN
     

     

     

    Il n'y a plus de gardien  au phare de Cordouan

    Pour veiller sur les vagues et le vent,

    Là où l'eau douce et l'eau salée

    Viennent lécher la pierre monumentale,

    En une danse fougueuse

    Et des étreintes dangereuses.

     

    Nul gardien aux yeux plissés

    Sur les brumeux horizons

    N'allumera les feux de poix,

    N'allumera les feux de bois,

    N'allumera les feux de goudron.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan

    Pour veiller sur les flots mugissants,

    Là où l'eau douce et l'eau salée

    Viennent hurler leur colère et leur joie.

     

    Adieu au Prince Noir,

    Adieu à Michel de Montaigne,

    Adieu à Louis de Foix.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan

    Pour veiller sur les écumes blanches.

    Nul gardien n'allumera jamais

    Les feux de lourds charbons,

    Les feux d'huile végétale,

    Les feux d'huile d'olive ou de colza.

     

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan :

    Nulle prière ne s'élèvera plus

    Dans l'église muette,

    Nul cantique ne résonnera plus

    Sur les pilastres sculptés

    Et les douces volutes.

    Nul psaume jamais plus ne glissera

    Sur les rinceaux à feuilles d'acanthe.

    L'église écoute les vagues rugissantes

    Et les voix ténébreuses des hydres monstrueuses

    A l'assaut des lanternes.

     

    Il n'y a plus personne à Cordouan,

    Dernier phare habité par de fiers gardiens.

    Ils n'allumeront plus le fanal sauveur

    Brûlant la graisse du blanc de baleines

    Que d'héroïques pêcheurs

    Chassaient de leur barque légère.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan :

    Sur l'estuaire dangereux

    En une valse lente,

    En étreinte mortelle,

    Flirtent les flots tendres et cruels.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan

    Pour veiller sur la pierre immergée

    Dans les gouffres effrayants.

    Nul n'écoutera plus d'une oreille attentive

    Le bruissement des vagues en un murmure las,

    Et nul ne guettera l'aube nouvelle

    Et la relève attendue.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan :

    Comme les algues malodorantes,

    Les vagues mugissantes, tout l'été déposeront

    Dans la forteresse royale,

    Des paquets de touristes vandales

    Gravant leur nom sur les pierres sculptées.

     

    Il n'y a plus de gardien à Cordouan

    Pour lire le ciel et les horizons bleus :

    Gardien, tu lis l'ondoyante litanie

    D'une inconnue sans ancre et sans esquif

    Qui te dit grand merci pour les marins sauvés .

     

     


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  •  

    VENDREDI 22 JUIN 2012, A 19:15
    ARITHMÉTIQUE
     

     

    Si un cm carré, c'est un carré

    D'un centimètre de côté,

    Pourquoi ne pas mesurer un objet bien rond

    Par des centimètres ronds ?

     

    La page 9 du livre de mathématiques

    S'appelle récréation :

    On n'y voit que des additions,

    Des divisions, des soustractions :

    Ce sont de barbantes révisons 

    Où je ne trouve que d'insolubles solutions !

     

    Encore bien pire dans le mensonge :

    Pour réviser de mieux en mieux,

    On appelle jeux la page onze 

    Mais je m'arrache tous les cheveux !

     

    Le maître annonce une nouvelle splendide :

    Aujourd'hui, on va simplifier les fractions !

    Je les vois toutes irréductibles

    Et je préfère le morpion !

     

    Si j'applique la formule :

    S= L x l, et S= b x h

    Pourquoi la longueur du rectangle

    Devient-elle une base,

    Et pourquoi la largeur du rectangle

    Devient-elle  une hauteur ?

     

    La page 142 m'enseigne les partages inégaux :

    Cette leçon inique

    Contredit l'éducation civique !

    J'apprends l'usage du rapporteur

    Mais j'en connais plus d'un dans la classe,

    Pour mon malheur !

     

    Il faut aussi calculer la durée d'un parcours,

    Avec les arrêts et les poursuites.

    Le radar veille et la police patrouille :

    130, 50 ou 30 à l'heure,

    Les kilomètres ne sont pas tous de même longueur.

     

    Les nombres complexes

    Parfois sont tout petits,

    Les nombres entiers

    Parfois sont très grands ;

    Les virgules aiment l'alignement,

    Les chiffres se mettent en rangs,

    Mais, comment faire,

    Quand le zéro est devant ?

     

    Qu'en déduisez-vous,

    Me demande le livre spécieux ?

    Je déduis ce que j'ôte

    Et le vendeur fait un rabais.

     

    Mais si, le calcul est fort utile

    Pour s'offrir le monde,

    Ou des babioles futiles !

    Si tu as pu les épargner,

    Compte les sous de ton porte-monnaie

    Pour acheter les trois bonbons convoités :

    Le capital n'a plus d'intérêt

    Quand la tire-lire est cassée !

     

     

     

     

    SAMEDI 09 JUIN 2012, A 13:16
    LE POTAGER DE MONSIEUR CAILLEBOTTE
     

     

     

    Au printemps, à peine la terre est-elle réchauffée

    Par un soleil encore timide

    Que les carottes sont semées,

    En lignes parallèles,

    Tracées par le cordeau déroulé.

     

    Les caïeux d'échalotes rosées,

    D'une main délicate et maternelle,

    En mars sont confiés à la terre.

    Dès juillet, sitôt les longues feuilles desséchées,

    On récoltera les bulbes oblongs,

    Pour coucher au soleil les touffes encore humides,

    Comme des jeunes filles séchant leur peau bronzée

    Sur les blondes plages de l'été.

     

    On les prendrait pour des sédentaires enracinés,

    Mais quelques plants se déplacent pour copiner :

    Thym, fraisier, persil, pourpier

    Sont des rebelles

    Qui se promènent où bon leur semble,

    Se moquant bien du jardinier !

     

    Les courges et les courgettes,

     Semées par petits poquets,

    Doivent être dorlotées tout le printemps :

    Assoiffées, elles boivent comme un homme

    Mais elles pourrissent sous trop de pluie ;

    Les petites limaces noires et les escargots voraces

    Dévoreront les jeunes pousses,

    Ou bien, les tiges ligneuses et envahissantes,

    Donneront d'énormes feuilles,

    Grosses comme des plateaux à tarte,

    Qui cacheront le soleil nourricier

    Aux pauvres fruits avortés.

     

    Les pieds tortueux des tomates

    Dont les lianes cassantes sont soutenues

    Par de solides tuteurs en bois

    Sont veillés par les soucis et les œillets odorants : 

    Leur parfum trompeur

    Eloigne les insectes piqueurs.

     

    En août sont semés les oignons de printemps,

    « Doux des Cévennes »,

    « Long de Florence »,

    Ronds et dodus

    Sous leurs multiples jupons dorés.

     

    Les choux généreux et variés,

    Toute l'année se cultivent au potager :

    Oiseaux, pucerons et altises

    Auront ainsi tous les jours à manger !

    Choux de printemps semés en automne,

    Choux de l'été à la rapide croissance,

    Choux d'automne et d'hiver

    Que les gelées décorent de perles fines,

    Choux cabus, choux pommés,

    Choux de Milan à la robe bleutée,

    Choux-fleurs protégés par leurs robustes feuilles,

    Brocolis élégants singeant le pin parasol,

    Les choux de nos jardins ont oublié leur ancêtre bravache

    Affrontant sans broncher

    Les embruns de nos côtes sauvages.

     

    Les cloches de verre de Monsieur Caillebotte

    Brillent sur ses tableaux admirés,

    Mais dans le potager rénové,

    Elles étincellent au petit jour,

    Protégeant comme de coûteux joyaux

    Les plantules fragiles et tendres,

    Au cou tendu vers la lumière.

     

    Venez donc un dimanche d'été

    Vous promener au bord de l'Yerres ;

    Mettez un chapeau de paille,

    Une capeline vaporeuse,

    Une canne à bout ferré,

    Prenez une ombrelle ajourée,

    Vous flânerez dans le parc fleuri

    Ou vous ferez un tour de barque

    Sur la rivière douce et paisible.

     

    Vous oublierez la sitone du pois

    Qui grignote à grandes échancrures

    Les feuilles délicates ;

    Vous oublierez l'altise légère

    Qui crible de trous radis et navets.

    Vous oublierez la cicatelle écumeuse

    Qui couvre de bave mousseuse

    Lavandes et verges d'or.

    Vous oublierez le puceron lanigère

    Qui dépose délicatement sur les pommiers

    De petits flocons laiteux,

    Et même le perce-oreille détesté des enfants

    Qui découpe avec acharnement méchant

    Les pétales fruités,

    Vous entendrez piailler joyeusement les oiseaux,

    Et surtout les perruches coquines

    Qui dansent sur vos têtes un ballet vert et bleu.

     

     

    Et puis, poussant la porte du potager,

    Vous viendrez respirer la sarriette rosée

    Qui parfume les fèves ;

    Sur l'hysope toujours verte,

    Vous verrez butiner papillons et abeilles ;

    Vous cueillerez la bourrache bleue

    Pour en confire les fleurs comme des violettes.

    L'estragon et la civette,

    La coriandre et l'anis,

    La marjolaine et l'origan odorants

    Vous donneront envie de chanter.

     

    Venez donc un dimanche

    Pour cette charmante promenade :

    Parfois, au détour d'une allée,

    Vous verrez un étrange personnage,

    Un dessinateur inspiré par les volutes du volubilis,

     Suçant son crayon comme un élève appliqué.

    Ou bien, un chevalet abandonné

    Oscille sous le vent malicieux,

    Et les guêpes pourtant effrontées

    Rient d'entendre un juron étouffé.

    Plus loin, une toile est abandonnée

    Par le peintre fatigué

    Des odeurs entêtantes d'huile et de térébinthe.

    Avec un copain jardinier,

    Il s'offre dans la serre un petit verre glacé.

    L'aquarelliste hésite,

    Entre le vert de vessie et le vert olive,

    Pour donner vie aux artichauts,

    Il lui faut du violet et du brun.

    Bien sûr, il n'en a pas sur sa palette,

    Il lui faudra des heures pour l'inventer.

    Le potager se pare de tableaux

    Qui sont les miroirs de la vérité implantée !

     

     

    Par pleines poignées odorantes et fleuries

    Vous récolterez aux portes de Paris,

    Tout le bonheur offert par ce potager

    Et ses courageux jardiniers…

     

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    LUNDI 14 MAI 2012, A 19:26
    LA P'TITE BÊTE
     

     

     

    Quelle est cette petite bête

    Qui monte, monte, monte,

    Et ne me fait pas du tout rigoler ?

     

    Cette petite bête est une tique

    Aux crochets acérés,

    Plantés méchamment

    Sur ma peau douce et dorée.

     

    La p'tite bête,

     C'est le prix du paquet de café,

    Le p'tit noir du comptoir

     Dont je n'veux pas m'passer.

    La p'tite bête qui monte, monte, monte,

    Porte le joli prénom que voici : Inflation.

    La petite bête,

    C'est la plaquette de chocolat

    Qui contient tout,

    Sauf le cacao, trop cher à importer.

     

    Quelle est cette petite bête qui monte ?

    C'est le prix de ma santé :

    Je paie le forfait hospitalier,

    La consultation sur-taxée,

    La complémentaire   explosée !

    Oh ! la méchante bébête,

    Elle est bien accrochée,

    Mon sang déjà contaminé.

     

    La bête se promène ,

    Dans les rayons du super-marché.

    Le bœuf a mis des ailes en or,

    Et le veau gras s'est envolé.

    Le poisson frais, ou bien pané

    Grimpe les escaliers.

    Même le dimanche, plus de poule au pot :

     Je paie la traçabilité.

     

    Quelle est cette petite bête

     Qui monte, monte, monte ?

    Le prix du baril a flambé,

    Ma carte bleue s'est asséchée

    Pour nourrir ma voiture assoiffée.

     

    Il fait très froid chez mes amis,

    La cuve à fioul n'est plus remplie.

    On ne joue plus aux tarots :

    Il faut danser, sauter, gigoter,

    Chauffer son lit avec une bouillotte,

    Et boire un grog comme autrefois.

     

    Mangez, mangez fruits et légumes

    Si vous pouvez les cultiver :

    Mais pas question de les acheter.

    Tomates acides, concombres mous,

    Radis creusés, triste scarole,

    Même les patates ont augmenté,

     La soupe est claire dans les foyers.

     

    Achetez une voiture à pédales,

    Une trottinette, un vélo rouge,

    Compostez vos déchets

     Pour éviter la chère poubelle,

    Habitez à la campagne une cabane en bois,

    Creusez un puits, bâtissez une citerne :

    Oubliez Fée Electricité : c'est une sorcière !

    Dormez  dès potron-minet.

     

    La p'tite bête, sur ma peau parcheminée

    Continue son chemin.

    Bientôt, je serai totalement contaminée,

    Avec des douleurs, des faiblesses et des paralysies.

    La tique dévore ma carte bleue,

    Mon confort et ma vie :

    C'est la faute à la pénurie,

    C'est la faute au soleil, à la pluie,

    C'est la faute à la sur-production,

    Sans oublier les mondiales tensions…

     

     

     

     

    MERCREDI 09 MAI 2012, A 10:13
    LA PETITE MÉSANGE
     

     

     

    La pluie peut bien glisser

    Sur ma vitre mouillée,

    Le vent peut bien chanter

    Dans ma cheminée grondeuse,

    En pépiant d'une voix heureuse,

    Dressée sur la ganivelle de châtaignier

    De mon petit jardin,

    La mésange tout étonnée

     Découvre le monde entier

    Qu'elle s'octroie par son chant.

    L'oiseau nouveau-né,

    Encore ébouriffé

    Et tremblant sur ses pattes grêles,

    M'ordonne de sortir

    Dans le frais matin

    Où m'attend le printemps.


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